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46.17598,6.13859
22.1.2015
A l'Ecoute des Chansons du Temps
A l'écoute des chansons du temps
le Poète s'enfonce dans la masse du lieu,
son milieu,
là où les flux de matières et de sens
s'entrecroisent
et se révèlent
et s'entremêlent
et se réveillent.
A l'encontre des non-dits sociaux
le Poète s'écarte des sentiers battus,
sa culture,
là où croyances et phrases toute-faites
se rassurent
et se prolongent
en parallèle
sans discontinuer.
A la rencontre des richesses autres,
le Poète s'imbibe des différences
de la vie,
non pas en collisions monologues,
mais en découvertes plurielles
qui aspirent à rêver
et inspirent du rêve.
A l'écart des viles bassesses
de la basse ville,
je n'ambitionne que d'écrire
que mes envies sont les mêmes
que les rythmes de la vie.
C'est pour cela que ce lieu
de la marge,
qui m'a formé à penser,
reçoit ici un testament
tambourinant
tonitruant,
tantôt lyrique
ou métaphysique,
car c'est à la Tambourine
que je la dois,
cette voix d'homme,
cette voix-là.
Quand je repense
à mon enfance,
aux étendues de Genève
s'offrant à moi,
au cèdre du Liban
me faisant face
et m'encourageant
à tisser les lignes de sens
qui m'entourent;
quand je repense
à ce balcon,
une terrasse de coeur
ouvrant à mon imaginaire enjoué
la ville et ses merveilles de pierre et d'eau;
quand je repense aux courbes lisses
de la chaine montagneuse
dont la silhouette est gravée
dans ma mémoire à jamais;
quand je repense
à tout cela,
alors ma vision s'éclaire,
et mon angoisse de grandir
s'estompe lentement
avec la course du soleil fatigué
qui s'en va se coucher
de par derrière le Jura.
Dans ces moments de toute beauté,
où les perceptions s'enrobent du formel,
le Poète devient Esthète,
et pleure de joie
et couche ses larmes
sur la page son amie,
qui ne le quittera jamais:
et dans ces moments-là,
à l'écoute des chansons
qui l'entourent,
le Poète admire
la mélodie du Tout
et ses tambourinements staccatés.
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46.18,6.139
29.12.2014
Au Croisement des Ronds
La bise souffle sur la Drize
et mes pensées moribondes
s'envolent en fins nuages.
Sur le boulevard des balades,
je me promène
en rêvassant du réveillon.
Au carrefour de ce point
du pourtour
du genevois,
à ce croisement
des chemins du saint et de l'ancien,
l'histoire se réveille
et le passé s'anime:
à travers des duos de mots
et des triades fades,
j'aperçois
les libres décadents
se rire
de l'austère abstinence
du vieux sage exilé.
Mais à chaque coup de vent,
le cristal du passé
s'érode un peu plus
et s'évanouit en
riants
ronds
tourbillonnant.
Dans cette poussière sémantique
où l'hiver se montre à moi,
les bourrasques s'expriment
en invectives violentes
qui fouettent mes joues
et m'enterrent
dans le moment
présent.
Je tourne en rond
et croise
mon moi,
qui s'étonne de voir
son soi
réfracté dans la bise.
Le vent, lui,
souffle sa chanson
sans se soucier
qu'au-dessus
de la Drize,
en ce froid soir de décembre,
mes pensées moribondes
tombent
en blancs
flocons.
✖
46.2048,6.1516
7.1.2015
Calme Lac
Qu'il est dur de rêver quand le monde est tumulte,
que les images mouvantes montrent mort et bêtise.
Qu'il est dur de s'arrêter un instant de penser
quand l'espoir de vivre ensemble s'évanouit dans la nuit.
Qu'il est dur d'écrire des mots de paix quand la guerre est légion,
que les humains se tuent et se haïssent à l'unisson.
Dans ces moments de doute,
je m'échappe par la pensée
et flâne dans le jardin qui borde le lac.
J'y observe les bateaux et les lumières de la ville,
les enseignes des banques et les signes de richesse.
J'y rencontre du monde qui vient du bout du monde
et qui ne demande rien, ou peut-être que si…
Dans ces moments de peine,
à l'embouchure de la promenade du lac,
là où le plan devient filaire,
là où la rade devient rivière,
j'ai envie de voir la paix m'apparaître
et nos maux sociétaux disparaître
en
é-
c-
l-
at
de lumière
.
Le ruissellement du lac me calme.
Il m'apaise et m'appelle et m'apprend à souffler.
Il me donne l'envie de poser mes pensées
sur papier de lumière jusqu'à n'y voir plus rien
que la beauté des vaguelettes du Léman un matin.
Je ferme les yeux et m'imagine là-bas,
regardant le Rhône s'étendre sur la Suisse
à contre-courant.
Je deviens le lac et moi aussi je m'ouvre
et décide que jamais, non jamais
je n'aurai de haine pour les embrigadés de la foi;
je n'aurai que pitié qu'ils soient tant manipulés.
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46.197,6.145
25.11.2014
Comédie
C'est dans cet espace paradoxal,
archipel rectangulaire d'où jaillissent
en brillantes étincelles
les savoirs fluides des humanistes,
que la comédie du savoir est prise en étau
entre les bastions de la ville
et les philosophes de lumière
La densité de texte est telle
qu'un brouillard abondant,
linguistique
et bruyant
s'impose dans le fond de mes pensées,
broyant sans ménager
d'un bruit baroque et bariolé
ma volonté de progrès
Alors j'écris ces mots de trop
***
Parfois, lorsque l'atmosphère est chargée
de courants
de pensées
écervelés,
je me questionne et m'abandonne
au doute raisonnable, sinon raisonné:
qui est le gardien des murs de mon esprit?
qui est le sage aimant qui guide mes envies?
qui est enfermé dans l'enveloppe de ces pensées?
Sans attendre de réponse, j'éclate de rire,
car dans ces moments perdus,
dans cet espace antithétique,
j'aspire à bien plus qu'une réponse
dramatique:
j'envisage sans ménagement un mouvement vers le vivant,
je ris, je pleure de joie et de bonheur,
et sans dévier jamais de la trajectoire antinomée,
je joue la comédie du fond de mes pensées
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46.201361,6.122234
11.12.2014
Confluence
La réunion de ces rivières m'inspire
un souffle de renouveau.
Je sens mon corps s'oxygéner
et ma mémoire se distiller.
La confluence de passé et de présent
arrime mes pensées dans l'entre-temps.
La porosité de tout mon être se joue
en un cyclone musical
où pivotent à contretemps
les rêves de mon enfance.
La rencontre de ces courants m'engage
dans une fuite vers l'avenir.
Je suis de mon regard
leur perspective virevoltante
qui vrille en un hypnotique
va-
et
-vient
et vient s'avachir dans le fond
de l'horizon.
La Jonction de Rhône et Arve s'épelle
et se rappelle à mon soma.
Avec mes bras j'imite leur danse
en avant
et avec mes doigts
je retrace leur érosion ex(h)al(e)tante.
La création sémantique qui s'impose à moi
me fond dans l'avenir
et dans une friction de mots
je me dépose en argot de limon
sur les environs.
A la croisée des processus
se révèle la liminalité de l'interstice:
où commence donc la réunion
et où se termine le singulier?
Il n'y a de réponse aux questions
de l'artiste;
il n'y a que cette coda
où j'aligne
les lignes
et conclue
ces réflexions:
sur la ligne de devenir,
où la séparation se traduit en unité,
je me projette,
et par cette projection
en substantif
je m'interprète
en écrivain.
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18.11.2014
Corporéel
La pensée se saisit de mon corps.
Elle l'agrippe.
Elle le tord
et l'adore,
je l'admets, peut-être à tort.
Je dessine en propos des lignes
qui relient mon être par des verbales lianes,
des liens d'un autre monde qui me transforment en signe.
Mais bien malgré lui le corporéel l'emporte
et je me renchairis:
je prends substance
et comprends ma vie.
Mes bras, mes mains, mes doigts, mes ongles s'imposent en pauses de mots et en opaques silences.
Je me sens voyager à l'intérieur de l'enveloppe:
chaque battement de mon coeur et de mon sang se transforme en songe,
et chaque respiration se réinvente en mystique intuition.
Mon corps est mon oikos
et ma pensée son mythe de création.
Cette voix qui raisonne au fond de ma gorge, entre mes oreilles et derrière mes yeux en une singularité infinie et incommensurable,
je l'arrime à des rimes pertinentes, avec l'espoir à moitié avoué que mon corps et mon esprit, en une danse sensuelle, en viennent aux mains,
se saisissent
et s'agrippent,
se tordent
et s'adorent,
en espérant, à raison.
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46.246943,6.122049
10.6.2015
Départ de la Modernité
Les oiseaux de fer s'envolent par centaine,
chaque jour, et se dirigent vers l'autre,
chaque jour, en une migration du moderne.
Les anges d'acier décollent par milliers,
chaque jour, et connectent avec le lointain,
chaque jour, espérant renforcer notre destin commun.
Les métaphores du vivant souvent s'appliquent aux machines.
On en oublie comment ces amas de taule sont figés
en archétypes du moderne, en interfaces du privilégié.
Métonymes de la technologie, représentants de l'industrie,
les objets volant trop identifiés ne rassurent pourtant pas:
ils nous rappellent notre fragilité, et perturbent notre compas
d'animal.
***
Chaque fois que je voyage, mon coeur s'anime,
et mon pouls pulse de puissantes salves de sang,
d'hormones et d'intention dans mes veines,
dans mon corps, pour me rappeler le vivant.
Chaque fois que je me rends sur ce chemin aérien,
mes pensées s'étoffent, mon imaginaire se gonfle,
mes regrets et mes envies conversent à outrance
et m'envahissent du doute: vais-je survivre?
Chaque fois que ces images de corps déchiquetés,
de surfaces étiolées, de volumes brisés s'imposent à moi,
je repense mes plaies, panse mon souvenir, je réactive
les moments qui ont fait qui je suis, et dans un silence dénué de sens,
je souris à la vie.
***
Les mutilations de la terre dans les cieux se montrent:
les incarnations du contrôle de notre sphère
se tracent en lignes blanches
dans la voûte bleu-ciel,
et hachurent de nuages artificiels
l'illusion trop humaine qu'espace est surface,
que volume est pourtour,
que la vie est un tour
que la mort sa destination.
Dans l'arrière-fond je l'entends,
le bruit résiduel de l'arrogance moderne:
le vrombissement, le tremblement, le ronronnement
normal qui fût jadis inhabituel.
L'Anthropocène n'est jamais loin lorsqu'on croise
l'avion sur notre chemin:
tout est si proche, tout est si simple,
qu'on ne pense à rien d'autre que l'atteindre!
Et sans fléchir, sans réfléchir, on continue cette trajectoire
sans fin--
si ce n'est la nôtre--
jusqu'à ressentir l'absence de sens,
le manque d'envie,
la perte d'ambiance
car tout est gris;
tout est lardé de dioxyde,
tout est teinté de suie morbide,
et mes poumons sont immobiles,
pris dans les fils du moderne
par une amiante symbolique,
par une vie artificielle.
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Des Pas qui Résonnent
Le frémissement de la foule en cette froide nuit
accompagne mes pensées allègres
qui escaladent en enjambées
endolories, la vieille ville de ma jeunesse.
Mais il n'y a pas que les pas qui résonnent,
car patiemment j'appréhende
l'apathie pétillante qui s'offrira à moi
une fois la course finie
Mon coeur, lui, s'impatiente et s'attèle
à inonder mon antre de ses pulsions
de vitesse abruptement réveillées
par l'adrénaline de l'arrivée.
Mes idées s'ajustent au bitume puis aux pavés,
et en une cadence répétée à l'extrême
et à la régularité assumée, je franchis
les kilomètres sans trop penser.
Je souffre, je me crispe, j'angoisse mais j'insiste.
Ces pas qui résonnent se font l'écho
de mon ambition et de mes idéaux:
Il faut continuer, il faut avancer.
Le frémissement de la foule en cette froide nuit
aide, il faut avouer, à soulager la peine de ces enjambées,
car il n'y a rien de mieux que de sentir la trépidation
collective et enjouée d'une ville à l'unisson.
En ces moments de fête, j'entrevois la beauté
d'une population liée par l'amitié
et qui court droit vers un destin commun.
A travers ces pas qui résonnent
la beauté de notre cité transparait:
une communauté file d'un pas vers l'arrivée!
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46.2224,6.1385
10.12.2014
Effervescence
Chaque jour ou presque mon regard se pose
sur les miroirs de notre monde,
ces drapeaux bariolés qui parsèment la place
et qui donnent au matin des couleurs inédites.
Chaque jet d'eau qui jaillit de l'étendue bétonnée
ouvre à mon imagination des mondes lointains.
J'entrevois dans ces fissures cosmopolites
des modes de vie et des façons de faire
de l'ailleurs,
qui enrichissent par leur présence
le temple de la paix.
Dans ces lignes de réfraction, un discours s'articule:
mon espace personnel s'enrichit d'ifférence.
La contemplation de la complexité humaine
bouscule la tour isolée de mon savoir
et fait trembler
mes convictions jusqu'à les faire
s'écrouler
une
par
une
en
un
amas
de
gra-
-vas.
Je converse avec le monde et accepte son retour:
ce dialogue intérieur par lequel je cartographie l'Humain
m'étire et m'étiole mais m'offre aussi l'Amour:
dans l'allégresse du jour, je danse avec l'Autre
et je transcende mon isolation, jusqu'à enfin apprécier
l'effervescence du multiple.
Le feu passe alors au vert, et je dois continuer
mon chemin sans discourir.
La chaise à trois pieds m'offre un dernier répit
et me permet de réaliser la chance
que je n'ai pas eu à saisir
de vivre cette vie.
Le vent glacé qui fouette mon visage
me fait pleurer.
Ces larmes, qui sont des questions,
me font douter:
si seulement la majorité pouvait voir
en la différence la beauté,
peut-être n'aurions-nous plus besoin
d'une maison de la paix?
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46.241519,6.143797
9.7.2015
Elles Peuplent nos Airs
Tout est dans le rythme et la cadence;
tout est dans la suite répétée de pas.
La boucle kinésique s'entrevoit sur la carte,
mais elle ne s'apprécie réellement
que dans les jambes, en mouvement.
Aujourd'hui, la course se termine dans le fossé.
Ma vision se réduit, et je vois des points blancs
qui dansent sur le paysage,
le rongent lentement,
et tels des barbelés rouillés par la bise,
me piquent la peau du bout des doigts.
Les particules fines qui peuplent nos airs,
et polluent nos corps de poussière souterraine,
construisent des routes dans nos poumons,
et des barrages dans nos veines.
On est colonisé par les machines du moderne,
qui nous renvoient à nos erreurs
et à notre arrogante fierté.
Lors de cette course-à-pied je perds pied
et me noie dans l'invisible manteau gazeux.
La chaleur se transmet de mes jambes aux poumons.
Mes poumons carbonisent en une craie noire,
qui de l'intérieur impose sa marque sur mon corps.
Les sigles du moderne nous marquent au fer rouge.
Nous sommes devenus le bétail d'une colonisation manquée.
Les enjeux globaux qui nous effraient tant
et nous perdent en conjectures vaseuses,
nous font oublier la réalité du ici-maintenant,
et nous embourbent dans un discours de l'urgence
affolant.
Il revient à tout à chacun de se réveiller
du rêve technologique,
et d'enfin faire face aux matériaux qui nous déciment.
Soufflons tous à l'unisson sur les chandelles
qui se consument dans nos villes.
Eteignons l'incendie avant qu'il nous brûle de l'intérieur.
✖
46.201,6.143
28.12.2014
Endroit du Renouveau
Dans chaque vie,
dans chaque ville,
il existe des lieux
qui font
et refont
l'identité de l'être,
à chaque passage,
à chaque détour.
Ces lieux sont des mélodies
qui voyagent dans l'air,
se propagent dans l'âme
et qui dans des soubresauts
musicaux transportent l'être
au-delà des larmes.
Ces lieux sont des performances
qui animent l'espace
et nous enjoignent à sourire.
En écumant les drames
du quotidien
et de l'extraordinaire,
ils nous poussent à souffrir
sans risquer l'asphyxie
d'une vie de danger.
Ces lieux sont aussi des recueils
du temps,
de l'espace,
et du lent
mouvement
de l'humanité
vers la désolation du moderne.
Dans ces atmosphères collectées,
la Femme et l'Homme, en postures
léchées et pensées,
miment la vie en gestes
de beauté.
Dans ces endroits majestueux
la singulière existence
est unique:
elle est faite
et refaite
par les sons,
les mouvements
et les objets de sens.
Dans ces endroits de l'art,
l'endroit de l'âme
se réforme
par le vécu
d'un renouveau.
La place, bien qu'historique--
autrefois l'entrée d'une ville fortifiée--
est maintenant un outil
de connaissance
et de renaissance
par lequel chaque génération
se forme
et s'affine
à la beauté
du sublime.
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46.206,6.158
2.12.2014
Entre Deux Eaux
C'est en ce soir d'hiver
que les yeux du Poète
se posent sur le lac
et l'empoignent avec vigueur
et le projettent dans la nuit
sombre
et froide.
Le jet d'eau n'est pas doré:
il brille d'un éclat de lune
et s'envole en vapeur,
telle une neige mythique
dans le monde onirique
des paroles enchantées.
Aussitôt dit aussitôt fait:
le puissant jet d'eau
recouvre le ciel noir
de sa poudre d'argent
qui le fait scintiller
en des milliers de songes.
Soudainement les animaux
du bestiaire mythologique
entament leur chant
et animent cette folle soirée
où cygnes, colombes et pégases
scintillent à l'unisson.
Et je danse et je tourne
et j'arpente les rues
de la ville et commune
de Genève la Belle.
Et je rêve et je ris
et j'arrache à la vie
des larmes d'amour
et des éclats de peine.
J'en profite et je chante
à tue-tête, ébahi.
J'imagine les autres,
dormant tous,
ne doutant un instant
que le monde qui les entoure
et les protège
cette nuit s'est transformé
en manique arc-en-ciel
argenté.
C'est dans ces mots d'automne
que la voix du Poète
imagine le lac hivernal
dans le ciel
et le ramène au sol
et lui entame une comptine
pour l'endormir
jusqu'au soir prochain.
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46.21,6.143
30.11.2014
Gare à Toi!
A la croisée des chemins
ma pensée s'arrête.
Au carrefour des destins
mes idées s'essayent.
A la confluence des mondes
ma raison s'empêtre.
Au cyclone des cultures
essaime ce poème.
***
Gare à toi, me disent-ils tous,
quand tu t'aventures dans l'antre
des différences!
Gare à toi, me préviennent-ils,
car tu risques de t'y perdre
et de t'y fourvoyer!
Gare à toi! crient-ils
comme des Pierres
à propos du loup.
Mais je me garde bien de vous écouter,
car à mes yeux c'est vous
qui vous êtes égarés!
***
C'est par un fouillis de mots
que j'approche ce lieu texturé,
car ses multiples routes
et ses nombreux rails
emberlificotés
n'ont de cesse de faire mes pensées
dérailler.
Les hordes d'itinérants y sont les esclaves modernes du mouvement:
en ce lieu les avides voyageurs
croisent les meutes d'êtres errants.
Les voitures et vélos y côtoient taxis et badauds;
quant aux bus et aux trams,
eux s'affranchissent dé règle
ke lé zautre non de cess de respecté
Et pourtant,
il n'y a pas de loi à cet enchevêtrement de trajectoires.
Il n'y a que la chance de l'espace,
le hasard du lieu,
le mouvement des êtres
et la fixation voulue par les dieux
du capital et du marché!
Un brouhaha sans foi ni loi s'échappe du tréfonds de l'allée de mes pensées.
J'entends les rires et les pleures d'âmes damnées
broyées par le système qui les a enfantées.
Sans discontinuer, le vacarme incessant des moteurs
étouffe la voix de la précarité et finalement s'impose à moi.
Le bruit mécanique devient une comptine
dont l'étrangeté je ne peux déchiffrer
et dont la beauté je ne peux apprécier
***
Dans ce lieu si séduisant
qui est une île
de mouvement,
assidument je me perds
et me plait éperdument.
C'est son mélange des différences
et sa base de tolérance
que j'apprécie si savamment.
Mais gare à moi de ne pas romancer poussivement
ce lieu imbibé d'idées parfois extrêmes,
car dans le cyclone des cultures,
parfois le naufragé de la raison se perd!
✖
2.12.2014
Il y a
Il y a dans les hommes
Il y a dans les femmes
Il y a dans la vie
Il y a dans la peine
Il y a dans la mort
Il y a dans la joie
Des rires et des larmes
Des pleurs et des songes
Il y a dans les gens
Il y a dans le bien
Il y a dans l'argent
Il y a dans le sang
Il y a dans les mots
Il y a dans les phrases
Il y a dans les songes
Il y a dans l'adage
Des sentiments de honte
Des sentiments de peine
Des envies d'envie
Des envies de haine
Mais qu'y a-t-il dans l'être
si ce n'est relation?
Mais qu'y a-t-il en nous
si ce n'est connexion?
Qui y a-t-il en moi
si ce n'est évasion?
Qu'y a-t-il en moi
si ce n'est corruption?
Où suis-je situé
si ce n'est dans l'abyme,
dans l'abyme du moi,
dans le fossé des autres?
Où suis-je défini
si ce n'est dans ces phrases
qui n'sont rien que du vide,
du vide d'infini?
***
Il y a dans ces mots
une ambivalence:
Je ne peux m'arrimer
à la loi du silence.
Je ressens le besoin
de m'exprimer ainsi
car l'équilibre de la vie
en moi s'est inscrit.
***
Comment définir une entité mouvante?
Comment discuter d'un concept sans frontière?
Comment figer en mot la liminalité de l'être
sans trahir son sens, sans censurer ses sceaux?
***
Il y a dans les mots un incroyable mensonge
que j'arrive à imaginer
en intuition profonde.
Il y a dans l'adage un mensonge indécent
que je ne peux décrier
sans réveiller l'indolence.
Mon corps engourdi!
Mes bras dépravés!
Mon dos endolori
n'est pas épargné!
Et alors?
***
C'est dans ces moments de pause,
de réflexion,
de pensée,
que j'atteins l'intangible
et attrape l'insensé.
C'est dans ce mouvement d'arrêt,
de trajectoire
brisée
que j'estime l'incommensurable
sans vraiment y penser.
C'est dans ce corps qu'est le mien
que je déborde d'amour
pour la vie qu'est la mienne
sans leurre et sans détour.
Il n'y a peut-être dans ces mots
que leur sens!
Ou aucun sens!
Et alors?
Les mots sont là
et c'est ça qui importe!
✖
46.189809,7.593900
14.6.2015
Interlude des Montagnes
Il n'y a de sensation plus affolante que de se sentir libre,
léger comme l'air,
vibrant au vent,
résonnant avec les gazouillis enjoués des rouges-queues et des merles,
élevé par les montagnes verdoyantes,
enivré par le lancinant bruissement des torrents
auxquels je chuchote à l'unisson.
Cet interlude semble si nécessaire, maintenant que j'y arrive.
La course effrénée au progrès dans la ville, au travail,
m'apparaît désuète,
survendue,
l'incarnation d'un mouvement machinal
qui ne vaut rien, ici.
Je remplace cette idéologie du monde moderne
par un mouvement qui ne se calcule pas,
qui ne se mesure pas,
qui ne vaut rien sur les marchés:
la fuite en avant de l'esprit créatif dilate le temps,
rallonge l'espace,
compresse l'ennui routinier.
La machine s'enraye, et l'organe s'éveille…
***
Je chante ma vie par mes mots mélodieux.
J'entonne l'envie en des refrains joyeux.
Mes doigts s'envolent aux confins du tangible,
en mouvements dansants et en transes tactiles.
Dans ce tournoiement de l'imaginaire,
ma voix rappelle l'avenir au présent,
et mon monde intérieur se fait l'écho du dehors:
il lui emprunte ses rythmes et motifs,
et rend hommage à son essor.
Dans ce tissage d'idées, les frontières s'effacent:
les fils de sens n'ont que faire des labels,
des catégories langagières ou des cadres formels.
La seule chose d'importance est la vivacité des sens.
***
L'interlude verbal du maillage genevois ne sonne pas le glas
de mon rêve rassembleur des lieux qui me font.
Bien au contraire, cette mélodie dissonante,
si typique du Valais,
est partie intégrante de mon être;
la laisser s'exprimer ne peut que sublimer,
j'espère, la beauté de Genève,
qui malgré la distance est toujours présente
dans mon coeur et ma voix,
dans mon âme et mon corps.
✖
46.18413,6.1409
14.1.2015
Jaillissent les Eaux d'Arve
Sur cette place,
les artisans d'antan commerçaient
à voix haute et sans complexe;
ils narguaient l'austère Genève
en prônant l'ouverture des lieux.
Désormais,
les arbres qui y sont alignés
en séquences bariolées,
sous leur canopée
abritent
les cris sauvages de la jeunesse,
oisive et débridée,
qui tel un lionceau
ayant tout à prouver,
rugit sans réfléchir
voyant la nuit tombée.
Lorsque les lueurs de la ville
se réfléchissent en fragment d'étoiles
dans l'eau fluviale
qui rumine sa nostalgie
au milieu de la place,
je me prends d'abord à rêver
du voyage de l'Arve
à travers les vallées
dévalant les montagnes.
Puis, quand je comprends que la rivière
est captive
de la pierre façonnée,
qu'elle est piégée
par le symbole de l'entreprise humaine,
je suis inondé par une étrange pensée:
je désespère des artifices
qui contraignent
et qui structurent
et qui réduisent
a minima
les méandres convolutés
des larmes alpines.
Je fonds alors moi-même en sanglots,
et de ma triste peine
rejaillissent les eaux d'Arve
en courbes alambiquées
qui font fi des principes
et des lois
et des formes données,
et qui érodent
les lignes
de la cité
leur demeure.
La poésie de l'eau semble néanmoins bien frêle
quand elle se heurte aux projets des hommes;
car eux, sous couvert de progrès,
tronçonnent et bétonnent
les forêts du monde,
et dans des fournaises avides
réduisent en cendres amères
les flux libertaires de la nature
notre mère.
Que le monde émerge de mon âme
ou que mon âme émerge du monde,
là n'est pas la question;
cette formulation reviendrait
à piéger la rivière dans un barrage de mots
et à noyer mon être dans le tourbillon du destin.
Car ne l'oublions pas,
c'est bien dans l'unique coémergence écopoétique
des mouvements de pensées et des rivières élancées
que tout se crée,
se noue,
se lie
et se dénoue.
✖
46.205778,6.148997
25.2.2015
La Bise Intérieure
Les drapeaux tendus battent au rythme du vent:
la bise est de sortie ce soir sur le pont du Mont-Blanc,
et les rectangles de toile bruyamment l'accueillent.
Ces sigles tissés forment le décor de ma stupeur intérieure
dont la course effrénée siffle la fin de l'hiver
et irrite mes bronches de facéties givrées.
A chaque battement de mon coeur,
le vent en lames de désamour perce mes poumons
et me plonge dans l'eau glacée de ma primaire peur.
Bien qu'elle me hante régulièrement,
la primordialité de l'émotion m'étonne:
à chaque respiration, j'étouffe
et je m'éteins,
et les larmes du néant se saisissent de mes mains.
Je me sens enfermé en moi-même,
cloisonné par ma chair,
asphyxié par ces mots silencieux
qui dictent mes airs,
font le vide de mon inspiration,
et peignent sur ma peau,
en saccades illettrées,
des trames bleuâtres
et de ténébreux cieux.
Sous le poids de la bise,
je sombre dans les sombres abysses.
Ma poitrine se contracte.
Ma gorge s'ankylose.
Mon sang se fige
et mon esprit implose:
le baiser de la Mort porte bien son nom,
lui qui chaque hiver à Genève vient effleurer
le canton.
L'érosion intérieure me semble inéluctable,
lorsque je sens la caresse du vent
qui embrasse mon espace
et le vide de sa substance.
La bise est de sortie, ce soir,
sur le pont du Mont-Blanc,
et en moi elle se prélasse,
en attendant le printemps.
✖
46.200242,6.149160
7.2.2015
La Citadelle
Mes idées se chamboulent
et se chevauchent,
et se chamaillent sèchement
au premier plan de mes pensées,
alors que dans le fond
le bruit parasité de la fontaine
frit sur ma ligne de conscience.
Les collisions de mots et de discours
explosent en fragments sémiotiques
et me ramènent au présent,
venteux et froid,
de la citadelle du Bourg-de-Four.
A quoi pouvais-je penser,
si ce n'est à la centralité arrogante
de cette place où mercantile luxure
et cafés sans relief aucun
se suivent et s'opposent
en des trajectoires comiques
qui souillent l'essence de ce volume échancré?
C'est bien dans cette citadelle
du temps, où longtemps les années
s'additionnaient à la lueur officielle
des festives orgies sylvestres,
que l'espace s'écoule en un fluide courant,
et où la géographie urbaine expose
son histoire médiale
pour l'anniversaire d'un bicentenaire.
Est-ce une hallucination, ou puis-je
réellement sentir la continuité de la r______,
qui semble si évidente et pourtant
si évasive?
Est-ce une onirique envolée, ou puis-je
ressentir la fabrique matérielle de la v__,
qui se forme, s'informe et se déforme,
au fur et à mesure que ses fils se nouent,
se dénouent
et se renouent
en une danse lyrique
du regard sur la page?
Peut-être est-ce bien la configuration
spatiale de cette Place--
ses brisures asymétriques,
ses cassures plongeantes--
qui s'imprime
dans mon esprit et mon corps
par mes mains imitantes,
et lui imprime ses rythmes cassants
et ses contours brisés,
ses surfaces incomplètes
et ses volumes griffés,
ses trajectoires muettes
de sens et d'idée.
Car l'âme du Poète est celle d'un flâneur
immergé si profondément
dans les méandres du chronotope,
que ses pensées vagabondes
se perdent en étonnants détours
et en gestes futiles
dans l'abîme du Tout,
dans le vide du Temps.
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46.201041,6.148337
19.3.2015
La Consécration du Nous
Les démons du passé me hantent.
Mes désirs explosés m'attristent.
Les mondes dépassés déchantent.
Mes exploits désirés m'enfouissent.
L'atmosphère pesante des derniers soirs d'hiver
m'enfonce dans les méandres repliés
du maillage de mes pensées.
Il y a des mélancolies qui ne sauraient pallier
à l'espoir oublié de tendre vers le futur.
Il y a des lancinements qui froissent l'équilibre,
et qui courbent mon récit,
le courbent sur lui-même,
et le font effleurer le moment présent,
telle une pluie d'étincelle sur ma peau insensible.
D'où me vient cette insensée sensation
que ma conscience sincère se détend en tension,
et attrape le passé,
et le froisse,
et empoigne ma peur de l'angoisse?
Pourquoi suis-je pris
dans le tourbillon du temps,
alors que mon esprit tournoie tout en tâtant l'instant
et qu'il tente instamment d'échapper
à la mainmise des sens?
La cathédrale de mon esprit,
la base de ma réflexion,
vacille avec l'apprentissage tectonique
de nouveaux mouvements de pensée.
Je me sens hors du temps,
capturé par ce lieu qui transcende l'histoire
et habite les âmes.
Je me sens prisonnier
et libre à la fois,
prisonnier des idées qui libèrent mes choix.
Mais l'unique connaissance
que j'ai vraiment de la cathédrale,
est ce poème* dédié,
il y a cinq ans déjà,
à celle qui est tout,
qui est l'infinie courbature de l'espacetemps sacré:
l'espacetemps dévoué à la consécration du nous.
Il y a toujours une peur dans l'imaginaire
du lointain,
surtout quand cinq ans ont passé
et que la vie s'éteint;
mais le paradoxe établi que la nostalgie peut soigner
me semble le proverbe acquis d'une envie regagnée.
*Cathédrale
Mon dos contre la cathédrale,
Mon épaule sous ton crâne,
Un panneau bleu mais rouge
Dans nos esprits qui bougent
Un baiser sur la joue, angoisse
Un regard tourmenté, quelle poisse
Mais tu es là, contre moi
Et je suis là, contre toi
Et nous prenons conscience
Ensemble
Qu’on est tous tout seul,
Mais ensemble.
✖
46.199,6.141
21.12.2014
Le Palais du Cirque
Un soir de fin d'automne,
alors que je marche,
que le froid caresse mes joues,
que l'odeur des marrons m'enveloppe,
les lumières du cirque,
telles des lucioles des villes,
tournoient et chatoient
en scintillantes étincelles.
Autour du palais de lumière,
la plaine s'étend
en un mouvement continu.
La symphonie de lueurs
répond
à la toile de mélodies.
Chanceux que je suis,
il m'est donné de flâner
sur cette peinture de sons,
de visages et d'accents.
Ce voyage éphémère me semble
loin.
Il remonte peut-être à mon passé,
à un souvenir effacé
par les affres du temps,
de l'apprentissage
et des sens.
Peut-être est-il illusion, ce Palais du Cirque
qui m'inspire tant…
Ou peut-être est-il la reconstruction
fantasmée
d'une enfance passée,
ou d'un passé glorieux…
Cela n'importe que peu,
après tout,
car fictif ou réel,
présent ou passé,
le Palais du Cirque et sa plaine étoilée
sont écrits dans les coeurs,
dans les corps dans les âmes,
dé petis é dé grans,
dé tou lé Genevoi.
✖
46.1433,6.185
2.1.2015
Le Sommet
Au pinacle de mon oikos,
les pensées sont si denses
que des flocons de mots
tombent en neige éparse.
Des vents virevoltant
se vantent et inventent
des formules nouvelles,
dont les frasques connues
m'emmènent au sommet
de mon imaginaire.
Sans flancher, les flancs
de la colline se blanchissent
de pâles voiles de nostalgie;
sans broncher, mes poumons
se gonflent d'un brouillard
de signification et d'envie.
Dans ce lieu de la hauteur
qui borde ma Genève,
l'inspiration se mute en poésie;
dans cet espace ouvert
qui survole la ville,
l'espérance du sens s'épie.
Mais les phrases trop courtes
qui parsèment ces vers
ne peuvent qu'esquisser
la beauté du Salève,
car ses courbes dé-
doublées et ses lignes
précaires
n'ont de pareilles
dans la langue de Ramuz.
Cette ode à notre mont
espère n'avoir rien à envier
aux chansons romantiques
qui jadis firent la cour
à nos sublimes Alpes.
Ces dernières, d'ailleurs,
jalouses de l'attention,
résonnent comme un choeur
battant dans l'arrière-fond
du Salève notre visage.
Au pinacle de notre oikos,
l'âme du Grand Genève est si belle,
que ses gouttelettes d'eau
tombent en pluie
sur notre région unie.
Il n'y a de mots,
il n'y a de phrases
qui puissent capturer
l'esprit de cet adage géologique,
mais si un jour
vous regardez le Salève,
et qu'au loin il vous sourit,
alors peut-être aurez-vous
l'avant-goût de ce qui habite
mes pensées en cet instant,
et abrite depuis toujours,
telle une canopée de sens,
la forêt magique de mes idées.
✖
46.183361,6.153968
2.5.2015
Le Torrent
L'eau céleste se déverse sur notre bassin,
l'inondant d'un bruit baroque
qui redessine les contours de l'Arve notre rivière.
Chaque goutte est un univers en soi,
une cosmogonie magistrale qui n'attend que le contact originel
et l'éclatement perpétuel
pour se propager sans discernement
et se joindre aux autres torrents
jusqu'à former un vacarme de fond
qui réveille nos peurs les plus primaires.
Dans ce requiem du monde des environs,
nous nous sentons bien vulnérables.
Esseulés par notre individualisme et notre prétention,
le torrent de l'Arve nous ramène
à la matérialité de nos vies modernes,
et brise l'illusion d'invincibilité
qui jadis fit de nous des sociétés d'ignares.
Les troncs qui peuplent les rives se couchent
et partent à la rencontre des piliers de béton des ponts de Carouge.
Les aînés de la forêt vont se joncher en un entrelacs de cellulose en décomposition
et vont former la trame d'un récit catastrophique.
Cette histoire pourrait bien être le mythe d'une refonte idéologique.
Je me prends à rêver:
Et si le pont cédait?
Et si l'incarnation architecturale du génie humain
se faisait balayer comme un château de carte?
Se faisait souffler comme une flamme d'allumette?
Quelle serait la signification de cet événement?
Quel serait le sens de cette destruction?
Beaucoup d'entre nous se mettent à penser:
D'où nous vient donc ce sentiment de fixité?
Comment se fait-il que la banalité d'une crue de rivière
puisse à ce point ébranler les fondations de notre quotidien?
Car ne le savions-nous pas déjà, que quand les eaux célestes
se déversent sur notre bassin,
la musique du monde change de rythme,
et impose son chemin?
✖
46.198774,6.159765
28.9.2015
Les Mots qui Touchent
En ce jour où le vent effleure mon visage
de ses flammes nordiques,
les mots s'imposent sur ma peau
et m'enveloppent de leur lueur
jusqu'à me faire briller
comme la lune pourpre d'un matin d'éclipse.
Mon corps est perméable au dehors
enjoué;
ma peau poreuse porte en elle les stigmates
du vivant;
les mots touchent mes doigts quand j'imprime
ma marque
sur la page de lumière qui luit à l'horizon.
***
Je ne vois plus que la page;
je ne sens plus que les maux;
mes idées s'entrecroisent
en mots et ecchymoses.
Les mots qui touchent touchent plus que la raison:
ils touchent le corps, l'âme et l'esprit
et imprègnent les passions tout en même temps.
Les mots qui touchent portent plus loin que la voix:
ils atteignent l'invisible
et enfreignent l'immédiat.
Les mots qui touchent brûlent de mille feux
chaque fois qu'on les lit
à l'école ou dans le lit.
Les mots qui touchent creusent les sillons
du temps et de l'espace
et marquent les vallons d'une joie d'enfant.
***
Ce vent, en ce jour que mes lèvres embrassent
de leur rythme épuré et de leur tendre chair,
marque ma peau de mots immobiles
qui tiennent du sacré de l'intime intérieur.
La souffrance de la danse entre corps et dehors,
voilà ce qu'est la vie (je murmure decrescendo)
en ces matins d'éclipse où ne brillent que les mots.
✖
46.178351,6.156016
2.11.2015
Les Mots Tombent
Les mots tombent
comme les feuilles d'un après-midi d'automne.
Les mots tombent
comme la pluie froide et amère de novembre.
Les mots tombent
en idées nouvelles dans mon esprit blasé.
Et par ma voix brisée
les mots perdent leur saveur.
***
On parle trop des couleurs de l'automne.
Elles sont trop voyantes pour être sublimes.
Ce qui me frappe est plutôt l'odeur
de décomposition qui hante les chemins de l'Arve.
Ce qui m'attire est plutôt l'air humide
qui semble susurrer à ma peau des mots doux.
Ce qui m'envoute est l'accolade du temps,
qui dans tout mon être fait sentir le changement.
Et ce qui met fin à cette balade onirique
est l'odeur de combustible qui s'échappe des cheminées.
***
Les mots tombent
en automne
lorsque la lumière faiblit.
Les mots tombent
en automne
lorsque les arbres jaunissent.
Les mots tombent
en automne
lorsque la bise se lève.
Les mots tombent
en automne
et moi j'attends l'hiver.
***
La nuit tombe,
les jours avec,
et l'oeil de l'année se referme
sur les lumières d'automne.
Et l'hiver m'enlace,
et l'hiver m'embrasse,
et mes muscles raidissent,
et mes poumons faiblissent.
Je perds pieds et je glisse
sur une plaque de glace
qui a remplacé l'humus
décomposé des arbres.
Et dans un fracas assourdissant
l'année virevolte et puis se fend
et devient autre, et devient neuve,
et devient l'irréalisé destin d'une voix brisée.
✖
46.232,6.124
14.8.2015
Les Orages ont Grondé
Les orages ont grondé hier soir.
Les pluies se sont abattues sur nous.
Le tonnerre a chanté le vacarme
de l'été et de son air lourd.
Les feuilles se sont mises à trembler.
Les oiseaux se sont tus tout d'un coup.
Mes pensées se sont électrifiées
et mon coeur résonna dans mon cou.
L'atmosphère a parlé hier soir.
La chaleur s'est dissipée d'un coup.
Les terrasses se sont vidées de leur charme
et les esprits s'échauffèrent en remous.
L'été genevois est toujours ainsi.
Encerclés de massifs, nous n'y pouvons rien.
Pendant l'été Genève en est réduit
à une succession de chaleurs et de pluies.
✖
46.232,6.123
12.11.2014
Lignes Angulaires
Les tombantes bandes vertes,
verticales structures
de l’architecture de mon dessein,
filent vers l’infini
en rayons de perspectives
sans vie
ni lien.
La géométrie de ma pensée
est comme une arborescence
taxonommée:
elle comprend formes épurées
et vils quartiers,
centres des villes désertées de mon âme.
J’ai perdu la foi que je n’avais jamais eue.
J’ai retrouvé une joie jamais perdue,
mais dans la précipitation
j’ai cimenté mon oikos
et ai sédimenté mon ethos.
C’est ainsi que je me retrouve désolé
au milieu du désert esseulé
isolé
sans contact
sans relation
sans esprit–
révélation!
Les tombantes bandes vertes
peut-être étaient de trop?
Peut-être étaient-elles trop
rigides,
inflexibles?
Car il faut bien l’avouer,
ces structures modernes
semblent être devenues
les barreaux de verre
de la prison de béton
qui renferme mon être organique.
✖
16.11.2014
Matière à Penser
Si l’invisible ne s’offre pas à mon regard
et que l’intangible s’évapore d’entre mes doigts,
si le silence s’assoupit en vagues muettes
et que l’immobile se fige en stase incomplète,
alors comment puis-je trouver un sens,
une direction à la vie,
une emprise sur le réel,
une sensation d’immanence et de cohésion?
Ces pensées m’agitent!
Elles me plongent en moi-même
comme dans une chute libre
de l’imaginaire.
Je pense le corps et mon esprit s’active.
Il y a matière à penser
quand on pense à la matière.
Je ris en silence…
L’invisible maintenant se révèle
en une avalanche assourdissante
dont le vacarme insensé
se ressent dans ces propos préparés.
L’intangible se transforme
en une rectiligne avancée de mots transfigurés
par le mouvement de nos yeux
et de nos doigts minutieux.
Le silence m’apparait:
il est la lueur
chaude d’une bougie,
de mon esprit enguirlandé
qui se consume
ɑ̃
fragmɑ̃
de lexiqs kalcinés
Je trace avec mon index la majeure partie d’un anneau imagé:
je serre le poing, je saigne mon âme;
l’immobile se cristallise
en vapeur de sens qui écorche mes paumes.
Il y a matière à penser lorsque l’on pense la matière.
Je ressens ces essais comme une susurrante cécité
qui m’emporte tout au fond de la vallée de mes pensées.
Par le mouvement du visible et du tangible,
je romps le silence et ouvre une brèche
qui me brûle et m’écume et qui me rend sensible.
C’est dans ces moments de sensualité matérielle
que je découvre le sens de l’éternel.
Dans le silence du mot je trouve le vacarme du corps
et l’immanence de l’incommensurable s’impose à moi.
✖
46.231002,6.054646
28.10.2015
Moi et Moi
je lis
et les idées fusent
ma collision avec le texte
crée des particules d'espace-temps
qui vrillent dans toutes les directions
et produisent un monde incertain
fait de trajectoires sans dessein
je lis
et la réalité change d'état
et donne à chaque possibilité
un potentiel infini
ma rencontre avec l'écrit
crée des poches dans la trame du réel,
et dans ces poches je m'aventure
et dans ces poches je me perds
et dans ces poches l'écriture
me donne in extremis des repères
je lis
et la science se courbe
mon entrée dans ce discours
m'offre une vue sans pareil
sur la surface de mon être
et le volume de mon âme
je lis
et les idées fusent
mais cette fois
les teravolts sont en vacances
et la matière de ce poème
attend la reprise de l'expérience
✖
46.231705,6.122545
11.11.2014
Oikos
Ici
sous des jeux de lumières artificielles
mon être se tisse
maille après maille
ligne après ligne;
ici
dans un cube de vide vidé d’éther
ma pensée vagabonde
bondit en sons
abasourdis;
ici
par l’intrication de sens encensés
mes lignes de vie
filent et s’effilent
finalement;
ici
au croisement de deux rivières
coule ma conscience
fuyante
et confluente.
Et maintenant que tout est dit,
où vais-je aller?
Vais-je oublier
les traits d’ici
qui font l’oikos que je vis?
Vais-je survivre
à mes pensées?
Maintenant que chaque mot
est épelé
sans distinction,
je crains ne plus pouvoir apprécier
les temps d’attente,
ces témoins muets
des inspirations
qui me font,
me défont,
et me refont
à chacune de mes pénibles
respirations.
✖
46.220419,6.152967
10.5.2015
Perle Printanière
La douce brise du printemps m'effleure les sens,
me plonge dans l'instant, et m'entraine dans sa danse.
En ce dimanche, le soleil de mai montre ses ombres.
Chaque moment est à savourer, chaque pensée à méditer.
Le printemps s'incarne dans cette perle, il me semble,
où l'espoir du renouveau,
l'envie du changement,
l'attente débridée d'une chaleur inattendue,
se mêlent et s'intriquent en une nacre bariolée.
La perle printanière n'est pas finie ni contenue.
Elle n'est pas prisonnière d'une surface sphérique;
elle n'est pas volume d'un disque charnu.
La perle printanière est l'odeur d'herbe fraichement coupée,
la chaleur du ciel s'abattant sur nos corps las;
elle est le mouvement des ombres hachurées
qui s'étreignent et s'entrainent
et qui nous poussent à bouger.
La perle printanière est la perspective qui s'offre à nous,
et qui nous tire dans sa fougue jusqu'au Mont Blanc
pour nous faire frissonner;
elle est le sentiment d'être en bonne compagnie,
d'être rassuré par la présence de l'autre,
d'être enjoué par la simple accolade d'un ami de longue date.
Le lac me souffle ses secrets: il en a vu des amoureux,
des groupes, et des familles se réunir devant lui,
et lui témoigner leur sympathie; il en a entendu
des cris de joie, des cris de peine, des cris de jeux, des cris de rire;
il en a senti des corps frileux se délasser en son sein; il en a rempli
des poumons maladroits; il en a porté des rameurs essoufflés.
Le lac me souffle ses secrets: sa perle n'est précieuse
que pour ceux qui la connaissent.
*Allongés
L’odeur d’herbe
L’air du lac
Le soleil de Genève
L’été
Avec ceux que j’aime
Allongés
Dans le parc
Les jeunes pousses
D’un futur pas si lointain
Imaginent des mondes
Incertains
L’odeur de fumée
De sucre
Et d’épices
De ces produits
Manufacturés
Et vendus
Insouciance
Imaginaire
Bien soucieux
Au contraire
De ce qui nous
Attend
Demain
Sa présence
Contre moi
Me réconforte
M’apporte
La jouissance
Du bonheur
Elle brille
De beauté
Elle crie
Sa fierté
Engagée
Elle est si
Elle aussi
Importante
Parfaite
Pour moi
Pour nous
Maintenant
Avant
Plus tard
Toujours
Dans le parc
Allongés
Nous vivons
Cet été
Oligarques
De nos propres
Pensées
✖
46.200516,6.144791
18.11.2016
Promenade
Mes pensées vagabondes se promènent
à travers des forêts de songes.
Chaque pas réforme ma promenade.
Chaque respiration illumine mon chemin.
Chaque regard réfracte ma trajectoire.
***
J'entends ma voix intérieure résonner
contre les arbres qui m'entourent
et je me mets à penser aux limites qui me font:
les échos chorégraphiques de mon récit biologique
m'étirent et m'étendent
en lexicales oscillations
***
Je suis chez moi dans ce parc
dont les bastions m'interpellent:
De quoi sont-ils les gardiens?
Comment gardent-ils nos chemins?
Je suis chez moi dans ce lieu
dont les murs du savoir me protègent:
Que sais-je de l'incommensurable?
Qui suis-je dans le schéma plus large?
***
Ma belle promenade touche à sa fin.
L'odeur du café et le motif du damier me réveillent.
La forêt de songe lentement disparaît
et dans un sursaut d'orgueil
me replonge dans un verbe onirique
d'où je ne souhaite jamais m'extirper.
✖
46.216384,6.151508
1.7.2015
Saisissement
L'air se dilate dans mes poumons qui s'embrasent.
Il n'y a pas de brise aujourd'hui qui puisse briser la solidité du milieu:
l'épais air persiste, dense; les passants subissent;
Genève s'assoupit, assommée par la vague de chaleur
qui s'insinue dans la ville à chaque respiration.
Puis, dans le coin de mon regard, je perçois l'impensable:
au loin, le Mont Blanc me nargue de sa hauteur pétrifiée.
Les neiges éternelles sont quelque peu orgueilleuses,
quand en été elles se fondent d'une brillance radieuse,
qui éblouit jusqu'ici et par contraste brûle.
Alors je me saisis de sa fraîcheur, la fait mienne et la boit.
Et dans ce saisissement, mes mains lèchent ses parois
et s'accaparent leur froid.
Le Mont Blanc lentement fond, sans pourtant courber l'échine;
il continue à déverser ses eaux dans les vallées alentours,
qui elles-mêmes viennent éroder Genève par l'Arve en ce jour.
Lorsque ce cône géologique a fondu entièrement dans mon esprit engourdi,
je cherche un substitut à sa fraîche mélancolie:
c'est là que j'aperçois la fontaine, symbole de Genève,
jetant ses dernières forces dans les hauteurs de la rade;
sous ses myriades de gouttelettes et sa brumeuse cascade
je me baigne en oubliant la chaleur de la vague.
***
L'été est chaud à Genève en juillet:
le bitume fond, l'atmosphère se pare de fines particules
qui érodent nos vies et précipitent nos morts.
La chaleur me saisit à son tour, alors je saisis la fraîcheur en retour,
mais dans cette lutte des corps, je ne peux que perdre la guerre:
le biologique est la victime du chimique.
L'atmosphère m'assomme, me dépouille et me laisse pour mort.
Au milieu des passants, au bord du rivage,
je m'endors tranquillement, bercé par la mélodie du vent,
qui dans mon esprit s'anime et s'attèle à rafraîchir
ma peau désuète avant qu'elle ne s'effrite, calcinée par notre astre,
et pétrifiée par un mode de vie trop longtemps insouciant.
✖
46.208644,6.163229
6.7.2015
Si la Ville
Si la ville est un rivage,
alors j'en suis la marée.
Si la ville est un galet,
alors j'en suis l'érosion.
Les répétitions faciles sont des affronts au langage;
il y a bien trop d'idylles entre les mots et la page
pour se permettre des rimes qui ne mènent nul part.
Alors pourquoi ressens-je le besoin d'imager mon lien à Genève,
de lui mettre ces mots et ces phrases sur le dos,
qui ne font que compliquer une connexion dissipée?
Si la ville est une plage,
alors je suis les galets qui la composent
et l'entourent,
qui la font qui elle est,
elle était
et sera.
Imaginez les ricochets
mentaux
qu'on peut
faire avec
la ville!
Imaginez-la prendre l'air et s'éroder au contact de l'eau,
à chaque rencontre avec la peau,
en un sable plus fin que la brume du matin.
Imaginez la ville se dissoudre entre vos doigts…
Imaginez son sable s'écoulant
et chauffant votre âme de ses brûlant grains!
Si la ville est une rivière,
alors elle coule dans nos veines,
et à chaque battement de coeur,
elle remplit notre âme de joie.
Si la ville est une pluie,
alors elle rafraîchit notre esprit,
et nous permet de nous sublimer
par ce langage de l'incarné.
Et si la ville n'était que ville?
Et si Genève n'était que Genève?
Alors elle serait tout cela en même temps,
et bien plus encore.
Elle serait ce que vous en faîtes,
comment vous la rêvez, comment vous la vivez!
Elle serait plurielle et colorée;
elle serait d'ici et d'ailleurs,
de maintenant et d'avant.
Elle serait comme on ne l'a jamais pensée,
et n'ayons pas peur de le dire,
elle n'en serait que plus belle!
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1.4.2015
Singularité
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22.12.2014
Vacarme Animal
Je les entends ripailler,
s'empiffrer,
s'étouffer
de toxiques effluves
dont les propriétés effarantes
tristement n'effraient plus personne.
Dans ce vacarme animal, où cohabitent
sombres félins,
lieux d'érosion maritime,
vendeurs de rêves
et fondeurs d'armures,
la jeunesse s'essaie,
et en s'essayant s'attire
les foudres
des couche-tôt
nostalgiques.
Lieu de passage
désert
la journée,
la rue du vacarme s'anime
la nuit
tombée.
Les cris et les pleurs se font
écho;
les rires et les larmes
s'accoladent;
des accrochages
de cols en peine ne cessent
d'éclore
et des collisions de désaccord
décorent
la partition du requiem
de la fin de semaine.
Ce vacarme animal
provient des saoules jeunesses
qui s'expriment en buvant,
en fumant et en oubliant l'intelligence
qui caractérise le vivant.
Dans ce monde impitoyable,
l'homéostasie n'a pas de valeur sociale
si ce n'est l'isolation.
Les relations profondes se cantonnent
à l'intimité physique
d'un triste sans-lendemain.
A quoi bon créer,
se disent-ils peut-être,
quand tout est éphémère?
A quoi bon durer,
se demandent-ils,
quand tout peut se détruire?
L'espoir est difficile à enseigner
dans cette société du tout-
tout-
de-
suite.
L'espoir est difficile à susciter
dans cette logique du Kapital,
car on ne peut pas acheter l'espoir,
le vendre,
le fumer,
ou le boire.
Et ça, on ne veut pas y croire.
Alors on se conforte dans le vacarme animal
des bris de verre et des hausses de ton,
et on pense à la jeunesse et au passage du temps.
Sans trop y croire,
à l'espoir…
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8.1.2015
Vieille Institution
Les meilleurs souvenirs sont les voix du passé
qui se rappellent à nous le moment venu.
Les meilleurs souvenirs sont les rires de la jeunesse
qui se mêlent aux pleurs du monde des adultes.
Parfois,
quand le ciel est gris et que l'air est froid,
des voix de ma jeunesse délabrée
font surface
et se mêlent à mes perceptions
en des ondulations de sens
qui m'emmènent dans un monde si simple
que seule l'amitié y compte.
Il y a dix ans maintenant,
plus ou moins quelques années--
c'est difficile à croire--
les vieilles institutions qui font notre Genève
m'avaient en leur sein.
Ce que je retiens de cette époque
ne sont pas les cours et classes du gymnase,
mais bien les rires et pleurs
qui hantent la célèbre demeure
sise au 9, Rue du Vieux-Collège.
Quand la nostalgie me prend par l'épaule
et me gifle,
et vocifère son poison en me crachant
au visage,
je me remémore les bons moments
dans cet appart,
et j'entends les rires de Joel et ses insultes
bon enfant,
et je souris avec ma bouche
en coin
en traversant de mon regard la mélancolie
débilitante.
Quand le futur s'impose à moi
de son insurmontable pesanteur,
et que mes jambes fléchissent,
et que mon ventre grogne,
je m'imagine bien affalé
sur le lit de chez Joel,
voyant un film sûr'ment potable
que j'oublierai en cinq minutes
avec l'air béat d'un effronté.
Je ne rognerai jamais sur ces souvenirs
de légèreté,
car ils me définissent
au fond--que c'est cliché!--
et font de moi
l'homme que je suis.
Je ne rognerai jamais sur ces périodes
de naïveté,
car elles m'inspirent,
me stabilisent
et sont les fondations
de mon parlé.
A la rue des vieilles institutions,
mon devenir s'est moulé
en délirant.
C'est l'air sérieux et convaincu--
ou pas--
que je réaffirme cet héritage,
car il faut rire de qui l'on est,
non pas pleurer pour ce qu'on veut!
Je dois beaucoup à cette vieille institution
qu'est l'Ami qui est un Frère.
C'est en hommage à sa présence
que je lui conçois ces vers.
Les meilleurs souvenirs sont les amis de toujours
qui colorent notre coeur à chaque instant de vie.
Les meilleurs amis sont les frères de l'astre révolu
qui gravitent dans nos âmes et nous redonnent envie.