46.17598,6.13859 22.1.2015

A l'Ecoute des Chansons du Temps

A l'écoute des chansons du temps le Poète s'enfonce dans la masse du lieu, son milieu, là où les flux de matières et de sens s'entrecroisent et se révèlent et s'entremêlent et se réveillent. A l'encontre des non-dits sociaux le Poète s'écarte des sentiers battus, sa culture, là où croyances et phrases toute-faites se rassurent et se prolongent en parallèle sans discontinuer. A la rencontre des richesses autres, le Poète s'imbibe des différences de la vie, non pas en collisions monologues, mais en découvertes plurielles qui aspirent à rêver et inspirent du rêve. A l'écart des viles bassesses de la basse ville, je n'ambitionne que d'écrire que mes envies sont les mêmes que les rythmes de la vie. C'est pour cela que ce lieu de la marge, qui m'a formé à penser, reçoit ici un testament tambourinant tonitruant, tantôt lyrique ou métaphysique, car c'est à la Tambourine que je la dois, cette voix d'homme, cette voix-là. Quand je repense à mon enfance, aux étendues de Genève s'offrant à moi, au cèdre du Liban me faisant face et m'encourageant à tisser les lignes de sens qui m'entourent; quand je repense à ce balcon, une terrasse de coeur ouvrant à mon imaginaire enjoué la ville et ses merveilles de pierre et d'eau; quand je repense aux courbes lisses de la chaine montagneuse dont la silhouette est gravée dans ma mémoire à jamais; quand je repense à tout cela, alors ma vision s'éclaire, et mon angoisse de grandir s'estompe lentement avec la course du soleil fatigué qui s'en va se coucher de par derrière le Jura. Dans ces moments de toute beauté, où les perceptions s'enrobent du formel, le Poète devient Esthète, et pleure de joie et couche ses larmes sur la page son amie, qui ne le quittera jamais: et dans ces moments-là, à l'écoute des chansons qui l'entourent, le Poète admire la mélodie du Tout et ses tambourinements staccatés.

46.18,6.139 29.12.2014

Au Croisement des Ronds

La bise souffle sur la Drize et mes pensées moribondes s'envolent en fins nuages. Sur le boulevard des balades, je me promène en rêvassant du réveillon. Au carrefour de ce point du pourtour du genevois, à ce croisement des chemins du saint et de l'ancien, l'histoire se réveille et le passé s'anime: à travers des duos de mots et des triades fades, j'aperçois les libres décadents se rire de l'austère abstinence du vieux sage exilé. Mais à chaque coup de vent, le cristal du passé s'érode un peu plus et s'évanouit en riants ronds tourbillonnant. Dans cette poussière sémantique où l'hiver se montre à moi, les bourrasques s'expriment en invectives violentes qui fouettent mes joues et m'enterrent dans le moment présent. Je tourne en rond et croise mon moi, qui s'étonne de voir son soi réfracté dans la bise. Le vent, lui, souffle sa chanson sans se soucier qu'au-dessus de la Drize, en ce froid soir de décembre, mes pensées moribondes tombent en blancs flocons.

46.2048,6.1516 7.1.2015

Calme Lac

Qu'il est dur de rêver quand le monde est tumulte, que les images mouvantes montrent mort et bêtise. Qu'il est dur de s'arrêter un instant de penser quand l'espoir de vivre ensemble s'évanouit dans la nuit. Qu'il est dur d'écrire des mots de paix quand la guerre est légion, que les humains se tuent et se haïssent à l'unisson. Dans ces moments de doute, je m'échappe par la pensée et flâne dans le jardin qui borde le lac. J'y observe les bateaux et les lumières de la ville, les enseignes des banques et les signes de richesse. J'y rencontre du monde qui vient du bout du monde et qui ne demande rien, ou peut-être que si… Dans ces moments de peine, à l'embouchure de la promenade du lac, là où le plan devient filaire, là où la rade devient rivière, j'ai envie de voir la paix m'apparaître et nos maux sociétaux disparaître en é- c- l- at de lumière . Le ruissellement du lac me calme. Il m'apaise et m'appelle et m'apprend à souffler. Il me donne l'envie de poser mes pensées sur papier de lumière jusqu'à n'y voir plus rien que la beauté des vaguelettes du Léman un matin. Je ferme les yeux et m'imagine là-bas, regardant le Rhône s'étendre sur la Suisse à contre-courant. Je deviens le lac et moi aussi je m'ouvre et décide que jamais, non jamais je n'aurai de haine pour les embrigadés de la foi; je n'aurai que pitié qu'ils soient tant manipulés.

46.197,6.145 25.11.2014

Comédie

C'est dans cet espace paradoxal, archipel rectangulaire d'où jaillissent en brillantes étincelles les savoirs fluides des humanistes, que la comédie du savoir est prise en étau entre les bastions de la ville et les philosophes de lumière La densité de texte est telle qu'un brouillard abondant, linguistique et bruyant s'impose dans le fond de mes pensées, broyant sans ménager d'un bruit baroque et bariolé ma volonté de progrès Alors j'écris ces mots de trop *** Parfois, lorsque l'atmosphère est chargée de courants de pensées écervelés, je me questionne et m'abandonne au doute raisonnable, sinon raisonné: qui est le gardien des murs de mon esprit? qui est le sage aimant qui guide mes envies? qui est enfermé dans l'enveloppe de ces pensées? Sans attendre de réponse, j'éclate de rire, car dans ces moments perdus, dans cet espace antithétique, j'aspire à bien plus qu'une réponse dramatique: j'envisage sans ménagement un mouvement vers le vivant, je ris, je pleure de joie et de bonheur, et sans dévier jamais de la trajectoire antinomée, je joue la comédie du fond de mes pensées

46.201361,6.122234 11.12.2014

Confluence

La réunion de ces rivières m'inspire un souffle de renouveau. Je sens mon corps s'oxygéner et ma mémoire se distiller. La confluence de passé et de présent arrime mes pensées dans l'entre-temps. La porosité de tout mon être se joue en un cyclone musical où pivotent à contretemps les rêves de mon enfance. La rencontre de ces courants m'engage dans une fuite vers l'avenir. Je suis de mon regard leur perspective virevoltante qui vrille en un hypnotique va- et -vient et vient s'avachir dans le fond de l'horizon. La Jonction de Rhône et Arve s'épelle et se rappelle à mon soma. Avec mes bras j'imite leur danse en avant et avec mes doigts je retrace leur érosion ex(h)al(e)tante. La création sémantique qui s'impose à moi me fond dans l'avenir et dans une friction de mots je me dépose en argot de limon sur les environs. A la croisée des processus se révèle la liminalité de l'interstice: où commence donc la réunion et où se termine le singulier? Il n'y a de réponse aux questions de l'artiste; il n'y a que cette coda où j'aligne les lignes et conclue ces réflexions: sur la ligne de devenir, où la séparation se traduit en unité, je me projette, et par cette projection en substantif je m'interprète en écrivain.

18.11.2014

Corporéel

La pensée se saisit de mon corps. Elle l'agrippe. Elle le tord et l'adore, je l'admets, peut-être à tort. Je dessine en propos des lignes qui relient mon être par des verbales lianes, des liens d'un autre monde qui me transforment en signe. Mais bien malgré lui le corporéel l'emporte et je me renchairis: je prends substance et comprends ma vie. Mes bras, mes mains, mes doigts, mes ongles s'imposent en pauses de mots et en opaques silences. Je me sens voyager à l'intérieur de l'enveloppe: chaque battement de mon coeur et de mon sang se transforme en songe, et chaque respiration se réinvente en mystique intuition. Mon corps est mon oikos et ma pensée son mythe de création. Cette voix qui raisonne au fond de ma gorge, entre mes oreilles et derrière mes yeux en une singularité infinie et incommensurable, je l'arrime à des rimes pertinentes, avec l'espoir à moitié avoué que mon corps et mon esprit, en une danse sensuelle, en viennent aux mains, se saisissent et s'agrippent, se tordent et s'adorent, en espérant, à raison.

Départ de la Modernité

Les oiseaux de fer s'envolent par centaine, chaque jour, et se dirigent vers l'autre, chaque jour, en une migration du moderne. Les anges d'acier décollent par milliers, chaque jour, et connectent avec le lointain, chaque jour, espérant renforcer notre destin commun. Les métaphores du vivant souvent s'appliquent aux machines. On en oublie comment ces amas de taule sont figés en archétypes du moderne, en interfaces du privilégié. Métonymes de la technologie, représentants de l'industrie, les objets volant trop identifiés ne rassurent pourtant pas: ils nous rappellent notre fragilité, et perturbent notre compas d'animal. *** Chaque fois que je voyage, mon coeur s'anime, et mon pouls pulse de puissantes salves de sang, d'hormones et d'intention dans mes veines, dans mon corps, pour me rappeler le vivant. Chaque fois que je me rends sur ce chemin aérien, mes pensées s'étoffent, mon imaginaire se gonfle, mes regrets et mes envies conversent à outrance et m'envahissent du doute: vais-je survivre? Chaque fois que ces images de corps déchiquetés, de surfaces étiolées, de volumes brisés s'imposent à moi, je repense mes plaies, panse mon souvenir, je réactive les moments qui ont fait qui je suis, et dans un silence dénué de sens, je souris à la vie. *** Les mutilations de la terre dans les cieux se montrent: les incarnations du contrôle de notre sphère se tracent en lignes blanches dans la voûte bleu-ciel, et hachurent de nuages artificiels l'illusion trop humaine qu'espace est surface, que volume est pourtour, que la vie est un tour que la mort sa destination. Dans l'arrière-fond je l'entends, le bruit résiduel de l'arrogance moderne: le vrombissement, le tremblement, le ronronnement normal qui fût jadis inhabituel. L'Anthropocène n'est jamais loin lorsqu'on croise l'avion sur notre chemin: tout est si proche, tout est si simple, qu'on ne pense à rien d'autre que l'atteindre! Et sans fléchir, sans réfléchir, on continue cette trajectoire sans fin-- si ce n'est la nôtre-- jusqu'à ressentir l'absence de sens, le manque d'envie, la perte d'ambiance car tout est gris; tout est lardé de dioxyde, tout est teinté de suie morbide, et mes poumons sont immobiles, pris dans les fils du moderne par une amiante symbolique, par une vie artificielle.


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Des Pas qui Résonnent

Le frémissement de la foule en cette froide nuit accompagne mes pensées allègres qui escaladent en enjambées endolories, la vieille ville de ma jeunesse. Mais il n'y a pas que les pas qui résonnent, car patiemment j'appréhende l'apathie pétillante qui s'offrira à moi une fois la course finie Mon coeur, lui, s'impatiente et s'attèle à inonder mon antre de ses pulsions de vitesse abruptement réveillées par l'adrénaline de l'arrivée. Mes idées s'ajustent au bitume puis aux pavés, et en une cadence répétée à l'extrême et à la régularité assumée, je franchis les kilomètres sans trop penser. Je souffre, je me crispe, j'angoisse mais j'insiste. Ces pas qui résonnent se font l'écho de mon ambition et de mes idéaux: Il faut continuer, il faut avancer. Le frémissement de la foule en cette froide nuit aide, il faut avouer, à soulager la peine de ces enjambées, car il n'y a rien de mieux que de sentir la trépidation collective et enjouée d'une ville à l'unisson. En ces moments de fête, j'entrevois la beauté d'une population liée par l'amitié et qui court droit vers un destin commun. A travers ces pas qui résonnent la beauté de notre cité transparait: une communauté file d'un pas vers l'arrivée!

46.2224,6.1385 10.12.2014

Effervescence

Chaque jour ou presque mon regard se pose sur les miroirs de notre monde, ces drapeaux bariolés qui parsèment la place et qui donnent au matin des couleurs inédites. Chaque jet d'eau qui jaillit de l'étendue bétonnée ouvre à mon imagination des mondes lointains. J'entrevois dans ces fissures cosmopolites des modes de vie et des façons de faire de l'ailleurs, qui enrichissent par leur présence le temple de la paix. Dans ces lignes de réfraction, un discours s'articule: mon espace personnel s'enrichit d'ifférence. La contemplation de la complexité humaine bouscule la tour isolée de mon savoir et fait trembler mes convictions jusqu'à les faire s'écrouler une par une en un amas de gra- -vas. Je converse avec le monde et accepte son retour: ce dialogue intérieur par lequel je cartographie l'Humain m'étire et m'étiole mais m'offre aussi l'Amour: dans l'allégresse du jour, je danse avec l'Autre et je transcende mon isolation, jusqu'à enfin apprécier l'effervescence du multiple. Le feu passe alors au vert, et je dois continuer mon chemin sans discourir. La chaise à trois pieds m'offre un dernier répit et me permet de réaliser la chance que je n'ai pas eu à saisir de vivre cette vie. Le vent glacé qui fouette mon visage me fait pleurer. Ces larmes, qui sont des questions, me font douter: si seulement la majorité pouvait voir en la différence la beauté, peut-être n'aurions-nous plus besoin d'une maison de la paix?

Elles Peuplent nos Airs

Tout est dans le rythme et la cadence; tout est dans la suite répétée de pas. La boucle kinésique s'entrevoit sur la carte, mais elle ne s'apprécie réellement que dans les jambes, en mouvement. Aujourd'hui, la course se termine dans le fossé. Ma vision se réduit, et je vois des points blancs qui dansent sur le paysage, le rongent lentement, et tels des barbelés rouillés par la bise, me piquent la peau du bout des doigts. Les particules fines qui peuplent nos airs, et polluent nos corps de poussière souterraine, construisent des routes dans nos poumons, et des barrages dans nos veines. On est colonisé par les machines du moderne, qui nous renvoient à nos erreurs et à notre arrogante fierté. Lors de cette course-à-pied je perds pied et me noie dans l'invisible manteau gazeux. La chaleur se transmet de mes jambes aux poumons. Mes poumons carbonisent en une craie noire, qui de l'intérieur impose sa marque sur mon corps. Les sigles du moderne nous marquent au fer rouge. Nous sommes devenus le bétail d'une colonisation manquée. Les enjeux globaux qui nous effraient tant et nous perdent en conjectures vaseuses, nous font oublier la réalité du ici-maintenant, et nous embourbent dans un discours de l'urgence affolant. Il revient à tout à chacun de se réveiller du rêve technologique, et d'enfin faire face aux matériaux qui nous déciment. Soufflons tous à l'unisson sur les chandelles qui se consument dans nos villes. Eteignons l'incendie avant qu'il nous brûle de l'intérieur.

46.201,6.143 28.12.2014

Endroit du Renouveau

Dans chaque vie, dans chaque ville, il existe des lieux qui font et refont l'identité de l'être, à chaque passage, à chaque détour. Ces lieux sont des mélodies qui voyagent dans l'air, se propagent dans l'âme et qui dans des soubresauts musicaux transportent l'être au-delà des larmes. Ces lieux sont des performances qui animent l'espace et nous enjoignent à sourire. En écumant les drames du quotidien et de l'extraordinaire, ils nous poussent à souffrir sans risquer l'asphyxie d'une vie de danger. Ces lieux sont aussi des recueils du temps, de l'espace, et du lent mouvement de l'humanité vers la désolation du moderne. Dans ces atmosphères collectées, la Femme et l'Homme, en postures léchées et pensées, miment la vie en gestes de beauté. Dans ces endroits majestueux la singulière existence est unique: elle est faite et refaite par les sons, les mouvements et les objets de sens. Dans ces endroits de l'art, l'endroit de l'âme se réforme par le vécu d'un renouveau. La place, bien qu'historique-- autrefois l'entrée d'une ville fortifiée-- est maintenant un outil de connaissance et de renaissance par lequel chaque génération se forme et s'affine à la beauté du sublime.

46.206,6.158 2.12.2014

Entre Deux Eaux

C'est en ce soir d'hiver que les yeux du Poète se posent sur le lac et l'empoignent avec vigueur et le projettent dans la nuit sombre et froide. Le jet d'eau n'est pas doré: il brille d'un éclat de lune et s'envole en vapeur, telle une neige mythique dans le monde onirique des paroles enchantées. Aussitôt dit aussitôt fait: le puissant jet d'eau recouvre le ciel noir de sa poudre d'argent qui le fait scintiller en des milliers de songes. Soudainement les animaux du bestiaire mythologique entament leur chant et animent cette folle soirée où cygnes, colombes et pégases scintillent à l'unisson. Et je danse et je tourne et j'arpente les rues de la ville et commune de Genève la Belle. Et je rêve et je ris et j'arrache à la vie des larmes d'amour et des éclats de peine. J'en profite et je chante à tue-tête, ébahi. J'imagine les autres, dormant tous, ne doutant un instant que le monde qui les entoure et les protège cette nuit s'est transformé en manique arc-en-ciel argenté. C'est dans ces mots d'automne que la voix du Poète imagine le lac hivernal dans le ciel et le ramène au sol et lui entame une comptine pour l'endormir jusqu'au soir prochain.

46.21,6.143 30.11.2014

Gare à Toi!

A la croisée des chemins ma pensée s'arrête. Au carrefour des destins mes idées s'essayent. A la confluence des mondes ma raison s'empêtre. Au cyclone des cultures essaime ce poème. *** Gare à toi, me disent-ils tous, quand tu t'aventures dans l'antre des différences! Gare à toi, me préviennent-ils, car tu risques de t'y perdre et de t'y fourvoyer! Gare à toi! crient-ils comme des Pierres à propos du loup. Mais je me garde bien de vous écouter, car à mes yeux c'est vous qui vous êtes égarés! *** C'est par un fouillis de mots que j'approche ce lieu texturé, car ses multiples routes et ses nombreux rails emberlificotés n'ont de cesse de faire mes pensées dérailler. Les hordes d'itinérants y sont les esclaves modernes du mouvement: en ce lieu les avides voyageurs croisent les meutes d'êtres errants. Les voitures et vélos y côtoient taxis et badauds; quant aux bus et aux trams, eux s'affranchissent dé règle ke lé zautre non de cess de respecté Et pourtant, il n'y a pas de loi à cet enchevêtrement de trajectoires. Il n'y a que la chance de l'espace, le hasard du lieu, le mouvement des êtres et la fixation voulue par les dieux du capital et du marché! Un brouhaha sans foi ni loi s'échappe du tréfonds de l'allée de mes pensées. J'entends les rires et les pleures d'âmes damnées broyées par le système qui les a enfantées. Sans discontinuer, le vacarme incessant des moteurs étouffe la voix de la précarité et finalement s'impose à moi. Le bruit mécanique devient une comptine dont l'étrangeté je ne peux déchiffrer et dont la beauté je ne peux apprécier *** Dans ce lieu si séduisant qui est une île de mouvement, assidument je me perds et me plait éperdument. C'est son mélange des différences et sa base de tolérance que j'apprécie si savamment. Mais gare à moi de ne pas romancer poussivement ce lieu imbibé d'idées parfois extrêmes, car dans le cyclone des cultures, parfois le naufragé de la raison se perd!

2.12.2014

Il y a

Il y a dans les hommes Il y a dans les femmes Il y a dans la vie Il y a dans la peine Il y a dans la mort Il y a dans la joie Des rires et des larmes Des pleurs et des songes Il y a dans les gens Il y a dans le bien Il y a dans l'argent Il y a dans le sang Il y a dans les mots Il y a dans les phrases Il y a dans les songes Il y a dans l'adage Des sentiments de honte Des sentiments de peine Des envies d'envie Des envies de haine Mais qu'y a-t-il dans l'être si ce n'est relation? Mais qu'y a-t-il en nous si ce n'est connexion? Qui y a-t-il en moi si ce n'est évasion? Qu'y a-t-il en moi si ce n'est corruption? Où suis-je situé si ce n'est dans l'abyme, dans l'abyme du moi, dans le fossé des autres? Où suis-je défini si ce n'est dans ces phrases qui n'sont rien que du vide, du vide d'infini? *** Il y a dans ces mots une ambivalence: Je ne peux m'arrimer à la loi du silence. Je ressens le besoin de m'exprimer ainsi car l'équilibre de la vie en moi s'est inscrit. *** Comment définir une entité mouvante? Comment discuter d'un concept sans frontière? Comment figer en mot la liminalité de l'être sans trahir son sens, sans censurer ses sceaux? *** Il y a dans les mots un incroyable mensonge que j'arrive à imaginer en intuition profonde. Il y a dans l'adage un mensonge indécent que je ne peux décrier sans réveiller l'indolence. Mon corps engourdi! Mes bras dépravés! Mon dos endolori n'est pas épargné! Et alors? *** C'est dans ces moments de pause, de réflexion, de pensée, que j'atteins l'intangible et attrape l'insensé. C'est dans ce mouvement d'arrêt, de trajectoire brisée que j'estime l'incommensurable sans vraiment y penser. C'est dans ce corps qu'est le mien que je déborde d'amour pour la vie qu'est la mienne sans leurre et sans détour. Il n'y a peut-être dans ces mots que leur sens! Ou aucun sens! Et alors? Les mots sont là et c'est ça qui importe!

Interlude des Montagnes

Il n'y a de sensation plus affolante que de se sentir libre, léger comme l'air, vibrant au vent, résonnant avec les gazouillis enjoués des rouges-queues et des merles, élevé par les montagnes verdoyantes, enivré par le lancinant bruissement des torrents auxquels je chuchote à l'unisson. Cet interlude semble si nécessaire, maintenant que j'y arrive. La course effrénée au progrès dans la ville, au travail, m'apparaît désuète, survendue, l'incarnation d'un mouvement machinal qui ne vaut rien, ici. Je remplace cette idéologie du monde moderne par un mouvement qui ne se calcule pas, qui ne se mesure pas, qui ne vaut rien sur les marchés: la fuite en avant de l'esprit créatif dilate le temps, rallonge l'espace, compresse l'ennui routinier. La machine s'enraye, et l'organe s'éveille… *** Je chante ma vie par mes mots mélodieux. J'entonne l'envie en des refrains joyeux. Mes doigts s'envolent aux confins du tangible, en mouvements dansants et en transes tactiles. Dans ce tournoiement de l'imaginaire, ma voix rappelle l'avenir au présent, et mon monde intérieur se fait l'écho du dehors: il lui emprunte ses rythmes et motifs, et rend hommage à son essor. Dans ce tissage d'idées, les frontières s'effacent: les fils de sens n'ont que faire des labels, des catégories langagières ou des cadres formels. La seule chose d'importance est la vivacité des sens. *** L'interlude verbal du maillage genevois ne sonne pas le glas de mon rêve rassembleur des lieux qui me font. Bien au contraire, cette mélodie dissonante, si typique du Valais, est partie intégrante de mon être; la laisser s'exprimer ne peut que sublimer, j'espère, la beauté de Genève, qui malgré la distance est toujours présente dans mon coeur et ma voix, dans mon âme et mon corps.

46.18413,6.1409 14.1.2015

Jaillissent les Eaux d'Arve

Sur cette place, les artisans d'antan commerçaient à voix haute et sans complexe; ils narguaient l'austère Genève en prônant l'ouverture des lieux. Désormais, les arbres qui y sont alignés en séquences bariolées, sous leur canopée abritent les cris sauvages de la jeunesse, oisive et débridée, qui tel un lionceau ayant tout à prouver, rugit sans réfléchir voyant la nuit tombée. Lorsque les lueurs de la ville se réfléchissent en fragment d'étoiles dans l'eau fluviale qui rumine sa nostalgie au milieu de la place, je me prends d'abord à rêver du voyage de l'Arve à travers les vallées dévalant les montagnes. Puis, quand je comprends que la rivière est captive de la pierre façonnée, qu'elle est piégée par le symbole de l'entreprise humaine, je suis inondé par une étrange pensée: je désespère des artifices qui contraignent et qui structurent et qui réduisent a minima les méandres convolutés des larmes alpines. Je fonds alors moi-même en sanglots, et de ma triste peine rejaillissent les eaux d'Arve en courbes alambiquées qui font fi des principes et des lois et des formes données, et qui érodent les lignes de la cité leur demeure. La poésie de l'eau semble néanmoins bien frêle quand elle se heurte aux projets des hommes; car eux, sous couvert de progrès, tronçonnent et bétonnent les forêts du monde, et dans des fournaises avides réduisent en cendres amères les flux libertaires de la nature notre mère. Que le monde émerge de mon âme ou que mon âme émerge du monde, là n'est pas la question; cette formulation reviendrait à piéger la rivière dans un barrage de mots et à noyer mon être dans le tourbillon du destin. Car ne l'oublions pas, c'est bien dans l'unique coémergence écopoétique des mouvements de pensées et des rivières élancées que tout se crée, se noue, se lie et se dénoue.

La Bise Intérieure

Les drapeaux tendus battent au rythme du vent: la bise est de sortie ce soir sur le pont du Mont-Blanc, et les rectangles de toile bruyamment l'accueillent. Ces sigles tissés forment le décor de ma stupeur intérieure dont la course effrénée siffle la fin de l'hiver et irrite mes bronches de facéties givrées. A chaque battement de mon coeur, le vent en lames de désamour perce mes poumons et me plonge dans l'eau glacée de ma primaire peur. Bien qu'elle me hante régulièrement, la primordialité de l'émotion m'étonne: à chaque respiration, j'étouffe et je m'éteins, et les larmes du néant se saisissent de mes mains. Je me sens enfermé en moi-même, cloisonné par ma chair, asphyxié par ces mots silencieux qui dictent mes airs, font le vide de mon inspiration, et peignent sur ma peau, en saccades illettrées, des trames bleuâtres et de ténébreux cieux. Sous le poids de la bise, je sombre dans les sombres abysses. Ma poitrine se contracte. Ma gorge s'ankylose. Mon sang se fige et mon esprit implose: le baiser de la Mort porte bien son nom, lui qui chaque hiver à Genève vient effleurer le canton. L'érosion intérieure me semble inéluctable, lorsque je sens la caresse du vent qui embrasse mon espace et le vide de sa substance. La bise est de sortie, ce soir, sur le pont du Mont-Blanc, et en moi elle se prélasse, en attendant le printemps.

La Citadelle

Mes idées se chamboulent et se chevauchent, et se chamaillent sèchement au premier plan de mes pensées, alors que dans le fond le bruit parasité de la fontaine frit sur ma ligne de conscience. Les collisions de mots et de discours explosent en fragments sémiotiques et me ramènent au présent, venteux et froid, de la citadelle du Bourg-de-Four. A quoi pouvais-je penser, si ce n'est à la centralité arrogante de cette place où mercantile luxure et cafés sans relief aucun se suivent et s'opposent en des trajectoires comiques qui souillent l'essence de ce volume échancré? C'est bien dans cette citadelle du temps, où longtemps les années s'additionnaient à la lueur officielle des festives orgies sylvestres, que l'espace s'écoule en un fluide courant, et où la géographie urbaine expose son histoire médiale pour l'anniversaire d'un bicentenaire. Est-ce une hallucination, ou puis-je réellement sentir la continuité de la r______, qui semble si évidente et pourtant si évasive? Est-ce une onirique envolée, ou puis-je ressentir la fabrique matérielle de la v__, qui se forme, s'informe et se déforme, au fur et à mesure que ses fils se nouent, se dénouent et se renouent en une danse lyrique du regard sur la page? Peut-être est-ce bien la configuration spatiale de cette Place-- ses brisures asymétriques, ses cassures plongeantes-- qui s'imprime dans mon esprit et mon corps par mes mains imitantes, et lui imprime ses rythmes cassants et ses contours brisés, ses surfaces incomplètes et ses volumes griffés, ses trajectoires muettes de sens et d'idée. Car l'âme du Poète est celle d'un flâneur immergé si profondément dans les méandres du chronotope, que ses pensées vagabondes se perdent en étonnants détours et en gestes futiles dans l'abîme du Tout, dans le vide du Temps.

La Consécration du Nous

Les démons du passé me hantent. Mes désirs explosés m'attristent. Les mondes dépassés déchantent. Mes exploits désirés m'enfouissent. L'atmosphère pesante des derniers soirs d'hiver m'enfonce dans les méandres repliés du maillage de mes pensées. Il y a des mélancolies qui ne sauraient pallier à l'espoir oublié de tendre vers le futur. Il y a des lancinements qui froissent l'équilibre, et qui courbent mon récit, le courbent sur lui-même, et le font effleurer le moment présent, telle une pluie d'étincelle sur ma peau insensible. D'où me vient cette insensée sensation que ma conscience sincère se détend en tension, et attrape le passé, et le froisse, et empoigne ma peur de l'angoisse? Pourquoi suis-je pris dans le tourbillon du temps, alors que mon esprit tournoie tout en tâtant l'instant et qu'il tente instamment d'échapper à la mainmise des sens? La cathédrale de mon esprit, la base de ma réflexion, vacille avec l'apprentissage tectonique de nouveaux mouvements de pensée. Je me sens hors du temps, capturé par ce lieu qui transcende l'histoire et habite les âmes. Je me sens prisonnier et libre à la fois, prisonnier des idées qui libèrent mes choix. Mais l'unique connaissance que j'ai vraiment de la cathédrale, est ce poème* dédié, il y a cinq ans déjà, à celle qui est tout, qui est l'infinie courbature de l'espacetemps sacré: l'espacetemps dévoué à la consécration du nous. Il y a toujours une peur dans l'imaginaire du lointain, surtout quand cinq ans ont passé et que la vie s'éteint; mais le paradoxe établi que la nostalgie peut soigner me semble le proverbe acquis d'une envie regagnée. *Cathédrale Mon dos contre la cathédrale, Mon épaule sous ton crâne, Un panneau bleu mais rouge Dans nos esprits qui bougent Un baiser sur la joue, angoisse Un regard tourmenté, quelle poisse Mais tu es là, contre moi Et je suis là, contre toi Et nous prenons conscience Ensemble Qu’on est tous tout seul, Mais ensemble.

46.199,6.141 21.12.2014

Le Palais du Cirque

Un soir de fin d'automne, alors que je marche, que le froid caresse mes joues, que l'odeur des marrons m'enveloppe, les lumières du cirque, telles des lucioles des villes, tournoient et chatoient en scintillantes étincelles. Autour du palais de lumière, la plaine s'étend en un mouvement continu. La symphonie de lueurs répond à la toile de mélodies. Chanceux que je suis, il m'est donné de flâner sur cette peinture de sons, de visages et d'accents. Ce voyage éphémère me semble loin. Il remonte peut-être à mon passé, à un souvenir effacé par les affres du temps, de l'apprentissage et des sens. Peut-être est-il illusion, ce Palais du Cirque qui m'inspire tant… Ou peut-être est-il la reconstruction fantasmée d'une enfance passée, ou d'un passé glorieux… Cela n'importe que peu, après tout, car fictif ou réel, présent ou passé, le Palais du Cirque et sa plaine étoilée sont écrits dans les coeurs, dans les corps dans les âmes, dé petis é dé grans, dé tou lé Genevoi.

46.1433,6.185 2.1.2015

Le Sommet

Au pinacle de mon oikos, les pensées sont si denses que des flocons de mots tombent en neige éparse. Des vents virevoltant se vantent et inventent des formules nouvelles, dont les frasques connues m'emmènent au sommet de mon imaginaire. Sans flancher, les flancs de la colline se blanchissent de pâles voiles de nostalgie; sans broncher, mes poumons se gonflent d'un brouillard de signification et d'envie. Dans ce lieu de la hauteur qui borde ma Genève, l'inspiration se mute en poésie; dans cet espace ouvert qui survole la ville, l'espérance du sens s'épie. Mais les phrases trop courtes qui parsèment ces vers ne peuvent qu'esquisser la beauté du Salève, car ses courbes dé- doublées et ses lignes précaires n'ont de pareilles dans la langue de Ramuz. Cette ode à notre mont espère n'avoir rien à envier aux chansons romantiques qui jadis firent la cour à nos sublimes Alpes. Ces dernières, d'ailleurs, jalouses de l'attention, résonnent comme un choeur battant dans l'arrière-fond du Salève notre visage. Au pinacle de notre oikos, l'âme du Grand Genève est si belle, que ses gouttelettes d'eau tombent en pluie sur notre région unie. Il n'y a de mots, il n'y a de phrases qui puissent capturer l'esprit de cet adage géologique, mais si un jour vous regardez le Salève, et qu'au loin il vous sourit, alors peut-être aurez-vous l'avant-goût de ce qui habite mes pensées en cet instant, et abrite depuis toujours, telle une canopée de sens, la forêt magique de mes idées.

Le Torrent

L'eau céleste se déverse sur notre bassin, l'inondant d'un bruit baroque qui redessine les contours de l'Arve notre rivière. Chaque goutte est un univers en soi, une cosmogonie magistrale qui n'attend que le contact originel et l'éclatement perpétuel pour se propager sans discernement et se joindre aux autres torrents jusqu'à former un vacarme de fond qui réveille nos peurs les plus primaires. Dans ce requiem du monde des environs, nous nous sentons bien vulnérables. Esseulés par notre individualisme et notre prétention, le torrent de l'Arve nous ramène à la matérialité de nos vies modernes, et brise l'illusion d'invincibilité qui jadis fit de nous des sociétés d'ignares. Les troncs qui peuplent les rives se couchent et partent à la rencontre des piliers de béton des ponts de Carouge. Les aînés de la forêt vont se joncher en un entrelacs de cellulose en décomposition et vont former la trame d'un récit catastrophique. Cette histoire pourrait bien être le mythe d'une refonte idéologique. Je me prends à rêver: Et si le pont cédait? Et si l'incarnation architecturale du génie humain se faisait balayer comme un château de carte? Se faisait souffler comme une flamme d'allumette? Quelle serait la signification de cet événement? Quel serait le sens de cette destruction? Beaucoup d'entre nous se mettent à penser: D'où nous vient donc ce sentiment de fixité? Comment se fait-il que la banalité d'une crue de rivière puisse à ce point ébranler les fondations de notre quotidien? Car ne le savions-nous pas déjà, que quand les eaux célestes se déversent sur notre bassin, la musique du monde change de rythme, et impose son chemin?

Les Mots qui Touchent

En ce jour où le vent effleure mon visage de ses flammes nordiques, les mots s'imposent sur ma peau et m'enveloppent de leur lueur jusqu'à me faire briller comme la lune pourpre d'un matin d'éclipse. Mon corps est perméable au dehors enjoué; ma peau poreuse porte en elle les stigmates du vivant; les mots touchent mes doigts quand j'imprime ma marque sur la page de lumière qui luit à l'horizon. *** Je ne vois plus que la page; je ne sens plus que les maux; mes idées s'entrecroisent en mots et ecchymoses. Les mots qui touchent touchent plus que la raison: ils touchent le corps, l'âme et l'esprit et imprègnent les passions tout en même temps. Les mots qui touchent portent plus loin que la voix: ils atteignent l'invisible et enfreignent l'immédiat. Les mots qui touchent brûlent de mille feux chaque fois qu'on les lit à l'école ou dans le lit. Les mots qui touchent creusent les sillons du temps et de l'espace et marquent les vallons d'une joie d'enfant. *** Ce vent, en ce jour que mes lèvres embrassent de leur rythme épuré et de leur tendre chair, marque ma peau de mots immobiles qui tiennent du sacré de l'intime intérieur. La souffrance de la danse entre corps et dehors, voilà ce qu'est la vie (je murmure decrescendo) en ces matins d'éclipse où ne brillent que les mots.

Les Mots Tombent

Les mots tombent comme les feuilles d'un après-midi d'automne. Les mots tombent comme la pluie froide et amère de novembre. Les mots tombent en idées nouvelles dans mon esprit blasé. Et par ma voix brisée les mots perdent leur saveur. *** On parle trop des couleurs de l'automne. Elles sont trop voyantes pour être sublimes. Ce qui me frappe est plutôt l'odeur de décomposition qui hante les chemins de l'Arve. Ce qui m'attire est plutôt l'air humide qui semble susurrer à ma peau des mots doux. Ce qui m'envoute est l'accolade du temps, qui dans tout mon être fait sentir le changement. Et ce qui met fin à cette balade onirique est l'odeur de combustible qui s'échappe des cheminées. *** Les mots tombent en automne lorsque la lumière faiblit. Les mots tombent en automne lorsque les arbres jaunissent. Les mots tombent en automne lorsque la bise se lève. Les mots tombent en automne et moi j'attends l'hiver. *** La nuit tombe, les jours avec, et l'oeil de l'année se referme sur les lumières d'automne. Et l'hiver m'enlace, et l'hiver m'embrasse, et mes muscles raidissent, et mes poumons faiblissent. Je perds pieds et je glisse sur une plaque de glace qui a remplacé l'humus décomposé des arbres. Et dans un fracas assourdissant l'année virevolte et puis se fend et devient autre, et devient neuve, et devient l'irréalisé destin d'une voix brisée.

46.232,6.124 14.8.2015

Les Orages ont Grondé

Les orages ont grondé hier soir. Les pluies se sont abattues sur nous. Le tonnerre a chanté le vacarme de l'été et de son air lourd. Les feuilles se sont mises à trembler. Les oiseaux se sont tus tout d'un coup. Mes pensées se sont électrifiées et mon coeur résonna dans mon cou. L'atmosphère a parlé hier soir. La chaleur s'est dissipée d'un coup. Les terrasses se sont vidées de leur charme et les esprits s'échauffèrent en remous. L'été genevois est toujours ainsi. Encerclés de massifs, nous n'y pouvons rien. Pendant l'été Genève en est réduit à une succession de chaleurs et de pluies.

46.232,6.123 12.11.2014

Lignes Angulaires

Les tombantes bandes vertes, verticales structures de l’architecture de mon dessein, filent vers l’infini en rayons de perspectives sans vie ni lien. La géométrie de ma pensée est comme une arborescence taxonommée: elle comprend formes épurées et vils quartiers, centres des villes désertées de mon âme. J’ai perdu la foi que je n’avais jamais eue. J’ai retrouvé une joie jamais perdue, mais dans la précipitation j’ai cimenté mon oikos et ai sédimenté mon ethos. C’est ainsi que je me retrouve désolé au milieu du désert esseulé isolé sans contact sans relation sans esprit– révélation! Les tombantes bandes vertes peut-être étaient de trop? Peut-être étaient-elles trop rigides, inflexibles? Car il faut bien l’avouer, ces structures modernes semblent être devenues les barreaux de verre de la prison de béton qui renferme mon être organique.

16.11.2014

Matière à Penser

Si l’invisible ne s’offre pas à mon regard et que l’intangible s’évapore d’entre mes doigts, si le silence s’assoupit en vagues muettes et que l’immobile se fige en stase incomplète, alors comment puis-je trouver un sens, une direction à la vie, une emprise sur le réel, une sensation d’immanence et de cohésion? Ces pensées m’agitent! Elles me plongent en moi-même comme dans une chute libre de l’imaginaire. Je pense le corps et mon esprit s’active. Il y a matière à penser quand on pense à la matière. Je ris en silence… L’invisible maintenant se révèle en une avalanche assourdissante dont le vacarme insensé se ressent dans ces propos préparés. L’intangible se transforme en une rectiligne avancée de mots transfigurés par le mouvement de nos yeux et de nos doigts minutieux. Le silence m’apparait: il est la lueur chaude d’une bougie, de mon esprit enguirlandé qui se consume ɑ̃ fragmɑ̃ de lexiqs kalcinés Je trace avec mon index la majeure partie d’un anneau imagé: je serre le poing, je saigne mon âme; l’immobile se cristallise en vapeur de sens qui écorche mes paumes. Il y a matière à penser lorsque l’on pense la matière. Je ressens ces essais comme une susurrante cécité qui m’emporte tout au fond de la vallée de mes pensées. Par le mouvement du visible et du tangible, je romps le silence et ouvre une brèche qui me brûle et m’écume et qui me rend sensible. C’est dans ces moments de sensualité matérielle que je découvre le sens de l’éternel. Dans le silence du mot je trouve le vacarme du corps et l’immanence de l’incommensurable s’impose à moi.

46.231002,6.054646 28.10.2015

Moi et Moi

je lis et les idées fusent ma collision avec le texte crée des particules d'espace-temps qui vrillent dans toutes les directions et produisent un monde incertain fait de trajectoires sans dessein je lis et la réalité change d'état et donne à chaque possibilité un potentiel infini ma rencontre avec l'écrit crée des poches dans la trame du réel, et dans ces poches je m'aventure et dans ces poches je me perds et dans ces poches l'écriture me donne in extremis des repères je lis et la science se courbe mon entrée dans ce discours m'offre une vue sans pareil sur la surface de mon être et le volume de mon âme je lis et les idées fusent mais cette fois les teravolts sont en vacances et la matière de ce poème attend la reprise de l'expérience

46.231705,6.122545 11.11.2014

Oikos

Ici sous des jeux de lumières artificielles mon être se tisse maille après maille ligne après ligne; ici dans un cube de vide vidé d’éther ma pensée vagabonde bondit en sons abasourdis; ici par l’intrication de sens encensés mes lignes de vie filent et s’effilent finalement; ici au croisement de deux rivières coule ma conscience fuyante et confluente. Et maintenant que tout est dit, où vais-je aller? Vais-je oublier les traits d’ici qui font l’oikos que je vis? Vais-je survivre à mes pensées? Maintenant que chaque mot est épelé sans distinction, je crains ne plus pouvoir apprécier les temps d’attente, ces témoins muets des inspirations qui me font, me défont, et me refont à chacune de mes pénibles respirations.

Perle Printanière

La douce brise du printemps m'effleure les sens, me plonge dans l'instant, et m'entraine dans sa danse. En ce dimanche, le soleil de mai montre ses ombres. Chaque moment est à savourer, chaque pensée à méditer. Le printemps s'incarne dans cette perle, il me semble, où l'espoir du renouveau, l'envie du changement, l'attente débridée d'une chaleur inattendue, se mêlent et s'intriquent en une nacre bariolée. La perle printanière n'est pas finie ni contenue. Elle n'est pas prisonnière d'une surface sphérique; elle n'est pas volume d'un disque charnu. La perle printanière est l'odeur d'herbe fraichement coupée, la chaleur du ciel s'abattant sur nos corps las; elle est le mouvement des ombres hachurées qui s'étreignent et s'entrainent et qui nous poussent à bouger. La perle printanière est la perspective qui s'offre à nous, et qui nous tire dans sa fougue jusqu'au Mont Blanc pour nous faire frissonner; elle est le sentiment d'être en bonne compagnie, d'être rassuré par la présence de l'autre, d'être enjoué par la simple accolade d'un ami de longue date. Le lac me souffle ses secrets: il en a vu des amoureux, des groupes, et des familles se réunir devant lui, et lui témoigner leur sympathie; il en a entendu des cris de joie, des cris de peine, des cris de jeux, des cris de rire; il en a senti des corps frileux se délasser en son sein; il en a rempli des poumons maladroits; il en a porté des rameurs essoufflés. Le lac me souffle ses secrets: sa perle n'est précieuse que pour ceux qui la connaissent. *Allongés L’odeur d’herbe L’air du lac Le soleil de Genève L’été Avec ceux que j’aime Allongés Dans le parc Les jeunes pousses D’un futur pas si lointain Imaginent des mondes Incertains L’odeur de fumée De sucre Et d’épices De ces produits Manufacturés Et vendus Insouciance Imaginaire Bien soucieux Au contraire De ce qui nous Attend Demain Sa présence Contre moi Me réconforte M’apporte La jouissance Du bonheur Elle brille De beauté Elle crie Sa fierté Engagée Elle est si Elle aussi Importante Parfaite Pour moi Pour nous Maintenant Avant Plus tard Toujours Dans le parc Allongés Nous vivons Cet été Oligarques De nos propres Pensées

46.200516,6.144791 18.11.2016

Promenade

Mes pensées vagabondes se promènent à travers des forêts de songes. Chaque pas réforme ma promenade. Chaque respiration illumine mon chemin. Chaque regard réfracte ma trajectoire. *** J'entends ma voix intérieure résonner contre les arbres qui m'entourent et je me mets à penser aux limites qui me font: les échos chorégraphiques de mon récit biologique m'étirent et m'étendent en lexicales oscillations *** Je suis chez moi dans ce parc dont les bastions m'interpellent: De quoi sont-ils les gardiens? Comment gardent-ils nos chemins? Je suis chez moi dans ce lieu dont les murs du savoir me protègent: Que sais-je de l'incommensurable? Qui suis-je dans le schéma plus large? *** Ma belle promenade touche à sa fin. L'odeur du café et le motif du damier me réveillent. La forêt de songe lentement disparaît et dans un sursaut d'orgueil me replonge dans un verbe onirique d'où je ne souhaite jamais m'extirper.

Saisissement

L'air se dilate dans mes poumons qui s'embrasent. Il n'y a pas de brise aujourd'hui qui puisse briser la solidité du milieu: l'épais air persiste, dense; les passants subissent; Genève s'assoupit, assommée par la vague de chaleur qui s'insinue dans la ville à chaque respiration. Puis, dans le coin de mon regard, je perçois l'impensable: au loin, le Mont Blanc me nargue de sa hauteur pétrifiée. Les neiges éternelles sont quelque peu orgueilleuses, quand en été elles se fondent d'une brillance radieuse, qui éblouit jusqu'ici et par contraste brûle. Alors je me saisis de sa fraîcheur, la fait mienne et la boit. Et dans ce saisissement, mes mains lèchent ses parois et s'accaparent leur froid. Le Mont Blanc lentement fond, sans pourtant courber l'échine; il continue à déverser ses eaux dans les vallées alentours, qui elles-mêmes viennent éroder Genève par l'Arve en ce jour. Lorsque ce cône géologique a fondu entièrement dans mon esprit engourdi, je cherche un substitut à sa fraîche mélancolie: c'est là que j'aperçois la fontaine, symbole de Genève, jetant ses dernières forces dans les hauteurs de la rade; sous ses myriades de gouttelettes et sa brumeuse cascade je me baigne en oubliant la chaleur de la vague. *** L'été est chaud à Genève en juillet: le bitume fond, l'atmosphère se pare de fines particules qui érodent nos vies et précipitent nos morts. La chaleur me saisit à son tour, alors je saisis la fraîcheur en retour, mais dans cette lutte des corps, je ne peux que perdre la guerre: le biologique est la victime du chimique. L'atmosphère m'assomme, me dépouille et me laisse pour mort. Au milieu des passants, au bord du rivage, je m'endors tranquillement, bercé par la mélodie du vent, qui dans mon esprit s'anime et s'attèle à rafraîchir ma peau désuète avant qu'elle ne s'effrite, calcinée par notre astre, et pétrifiée par un mode de vie trop longtemps insouciant.

Si la Ville

Si la ville est un rivage, alors j'en suis la marée. Si la ville est un galet, alors j'en suis l'érosion. Les répétitions faciles sont des affronts au langage; il y a bien trop d'idylles entre les mots et la page pour se permettre des rimes qui ne mènent nul part. Alors pourquoi ressens-je le besoin d'imager mon lien à Genève, de lui mettre ces mots et ces phrases sur le dos, qui ne font que compliquer une connexion dissipée? Si la ville est une plage, alors je suis les galets qui la composent et l'entourent, qui la font qui elle est, elle était et sera. Imaginez les ricochets mentaux qu'on peut faire avec la ville! Imaginez-la prendre l'air et s'éroder au contact de l'eau, à chaque rencontre avec la peau, en un sable plus fin que la brume du matin. Imaginez la ville se dissoudre entre vos doigts… Imaginez son sable s'écoulant et chauffant votre âme de ses brûlant grains! Si la ville est une rivière, alors elle coule dans nos veines, et à chaque battement de coeur, elle remplit notre âme de joie. Si la ville est une pluie, alors elle rafraîchit notre esprit, et nous permet de nous sublimer par ce langage de l'incarné. Et si la ville n'était que ville? Et si Genève n'était que Genève? Alors elle serait tout cela en même temps, et bien plus encore. Elle serait ce que vous en faîtes, comment vous la rêvez, comment vous la vivez! Elle serait plurielle et colorée; elle serait d'ici et d'ailleurs, de maintenant et d'avant. Elle serait comme on ne l'a jamais pensée, et n'ayons pas peur de le dire, elle n'en serait que plus belle!

Singularité

• La singularité L'espace d'un instant, le temps d'un mouvement, le monde se créé et se perpétue infiniment. L'intangible phénomène de la compréhension humaine se dresse devant moi, tel un monolithe moderne, incarnation sombre de l'énergie du cosmos. Comme une brise de printemps éparpillant les pollens du temps, l'existence de l'univers échappe à mon contrôle, évite mes saccadantes envolées verbales, et se diffuse en un rayonnement du fond des âges. Dans ce ballet macroscopique, je ne suis rien: rien qui n'importe, rien de certain; je ne suis rien: rien qui n'existe, rien qui ne sache; je ne suis rien car incarné en une masse émancipée de la beauté du pur, comme un écueil unique parmi les infinies possibilités quantiques. Comment connaître la beauté complexe d'un système sans origine? Comment toucher la texture intriquée d'une surface sans bordure? Comment penser l'impensable épanchement de l'espacetemps? Comment vibrer à l'unisson sans même connaître l'autre amplitude? Comment répondre à ces questions sans fondements, sans intention? Comment comprendre l'objet lorsque l'objet nous comprend? Les réponses n'existent pas hors du champ de leur signification, car reconnaître la complexité de l'existence n'offre d'alternative à l'existence. Les machines humaines qui transforment l'invisible en vu, l'intangible en touché, l'insondable en sondé, l'inaudible en'tendu, l'incommensurable en mesure, n'offrent de répit si ce n'est dans l'oubli: l'oubli éphémère--l'espace d'un instant, le temps d'un mouvement de l'esprit--de l'impossible découverte de ce qui n'était jamais couvert. Comment reconnaître qu'on n'est rien d'important? Comment apprécier qu'on ne peut tout savoir? Comment les machines qui guident notre savoir peuvent-elles nous guider vers l'humilité? Comment enfin comprendre qu'en pensant on annihile ? Comment comprendre enfin que l'Homme est impuissant? De cette danse de la matière, j'ai grand espoir de pouvoir émuler l'énergie créatrice. De cette vie universelle, j'espère imiter le mouvement perpétuel vers l'inconnu. De l'univers je veux descendre, de l'univers je veux apprendre, et en ce jour d'avril où mon séjour au CERN est frais dans mon esprit comme l'air du soir, j'ai grand espoir de rencontrer la matière noire de ces pensées enfouies dans les motifs de la vie. La texture du Tout se répète en moi, les traces de mémoire se combinent en un mot: singularité •

46.185082,6.142237 22.12.2014

Vacarme Animal

Je les entends ripailler, s'empiffrer, s'étouffer de toxiques effluves dont les propriétés effarantes tristement n'effraient plus personne. Dans ce vacarme animal, où cohabitent sombres félins, lieux d'érosion maritime, vendeurs de rêves et fondeurs d'armures, la jeunesse s'essaie, et en s'essayant s'attire les foudres des couche-tôt nostalgiques. Lieu de passage désert la journée, la rue du vacarme s'anime la nuit tombée. Les cris et les pleurs se font écho; les rires et les larmes s'accoladent; des accrochages de cols en peine ne cessent d'éclore et des collisions de désaccord décorent la partition du requiem de la fin de semaine. Ce vacarme animal provient des saoules jeunesses qui s'expriment en buvant, en fumant et en oubliant l'intelligence qui caractérise le vivant. Dans ce monde impitoyable, l'homéostasie n'a pas de valeur sociale si ce n'est l'isolation. Les relations profondes se cantonnent à l'intimité physique d'un triste sans-lendemain. A quoi bon créer, se disent-ils peut-être, quand tout est éphémère? A quoi bon durer, se demandent-ils, quand tout peut se détruire? L'espoir est difficile à enseigner dans cette société du tout- tout- de- suite. L'espoir est difficile à susciter dans cette logique du Kapital, car on ne peut pas acheter l'espoir, le vendre, le fumer, ou le boire. Et ça, on ne veut pas y croire. Alors on se conforte dans le vacarme animal des bris de verre et des hausses de ton, et on pense à la jeunesse et au passage du temps. Sans trop y croire, à l'espoir…

46.2016,6.1515 8.1.2015

Vieille Institution

Les meilleurs souvenirs sont les voix du passé qui se rappellent à nous le moment venu. Les meilleurs souvenirs sont les rires de la jeunesse qui se mêlent aux pleurs du monde des adultes. Parfois, quand le ciel est gris et que l'air est froid, des voix de ma jeunesse délabrée font surface et se mêlent à mes perceptions en des ondulations de sens qui m'emmènent dans un monde si simple que seule l'amitié y compte. Il y a dix ans maintenant, plus ou moins quelques années-- c'est difficile à croire-- les vieilles institutions qui font notre Genève m'avaient en leur sein. Ce que je retiens de cette époque ne sont pas les cours et classes du gymnase, mais bien les rires et pleurs qui hantent la célèbre demeure sise au 9, Rue du Vieux-Collège. Quand la nostalgie me prend par l'épaule et me gifle, et vocifère son poison en me crachant au visage, je me remémore les bons moments dans cet appart, et j'entends les rires de Joel et ses insultes bon enfant, et je souris avec ma bouche en coin en traversant de mon regard la mélancolie débilitante. Quand le futur s'impose à moi de son insurmontable pesanteur, et que mes jambes fléchissent, et que mon ventre grogne, je m'imagine bien affalé sur le lit de chez Joel, voyant un film sûr'ment potable que j'oublierai en cinq minutes avec l'air béat d'un effronté. Je ne rognerai jamais sur ces souvenirs de légèreté, car ils me définissent au fond--que c'est cliché!-- et font de moi l'homme que je suis. Je ne rognerai jamais sur ces périodes de naïveté, car elles m'inspirent, me stabilisent et sont les fondations de mon parlé. A la rue des vieilles institutions, mon devenir s'est moulé en délirant. C'est l'air sérieux et convaincu-- ou pas-- que je réaffirme cet héritage, car il faut rire de qui l'on est, non pas pleurer pour ce qu'on veut! Je dois beaucoup à cette vieille institution qu'est l'Ami qui est un Frère. C'est en hommage à sa présence que je lui conçois ces vers. Les meilleurs souvenirs sont les amis de toujours qui colorent notre coeur à chaque instant de vie. Les meilleurs amis sont les frères de l'astre révolu qui gravitent dans nos âmes et nous redonnent envie.
Liens: Le Projet Abrrasif | Particles of Meaning | ArnaudBarras.ch