Effervescence
Chaque jour ou presque mon regard se pose
sur les miroirs de notre monde,
ces drapeaux bariolés qui parsèment la place
et qui donnent au matin des couleurs inédites.
Chaque jet d'eau qui jaillit de l'étendue bétonnée
ouvre à mon imagination des mondes lointains.
J'entrevois dans ces fissures cosmopolites
des modes de vie et des façons de faire
de l'ailleurs,
qui enrichissent par leur présence
le temple de la paix.
Dans ces lignes de réfraction, un discours s'articule:
mon espace personnel s'enrichit d'ifférence.
La contemplation de la complexité humaine
bouscule la tour isolée de mon savoir
et fait trembler
mes convictions jusqu'à les faire
s'écrouler
une
par
une
en
un
amas
de
gra-
-vas.
Je converse avec le monde et accepte son retour:
ce dialogue intérieur par lequel je cartographie l'Humain
m'étire et m'étiole mais m'offre aussi l'Amour:
dans l'allégresse du jour, je danse avec l'Autre
et je transcende mon isolation, jusqu'à enfin apprécier
l'effervescence du multiple.
Le feu passe alors au vert, et je dois continuer
mon chemin sans discourir.
La chaise à trois pieds m'offre un dernier répit
et me permet de réaliser la chance
que je n'ai pas eu à saisir
de vivre cette vie.
Le vent glacé qui fouette mon visage
me fait pleurer.
Ces larmes, qui sont des questions,
me font douter:
si seulement la majorité pouvait voir
en la différence la beauté,
peut-être n'aurions-nous plus besoin
d'une maison de la paix?