La citadelle
Mes idées se chamboulent
et se chevauchent,
et se chamaillent sèchement
au premier plan de mes pensées,
alors que dans le fond
le bruit parasité de la fontaine
frit sur ma ligne de conscience.
Les collisions de mots et de discours
explosent en fragments sémiotiques
et me ramènent au présent,
venteux et froid,
de la citadelle du Bourg-de-Four.
A quoi pouvais-je penser,
si ce n'est à la centralité arrogante
de cette place où mercantile luxure
et cafés sans relief aucun
se suivent et s'opposent
en des trajectoires comiques
qui souillent l'essence de ce volume échancré?
C'est bien dans cette citadelle
du temps, où longtemps les années
s'additionnaient à la lueur officielle
des festives orgies sylvestres,
que l'espace s'écoule en un fluide courant,
et où la géographie urbaine expose
son histoire médiale
pour l'anniversaire d'un bicentenaire.
Est-ce une hallucination, ou puis-je
réellement sentir la continuité de la r______,
qui semble si évidente et pourtant
si évasive?
Est-ce une onirique envolée, ou puis-je
ressentir la fabrique matérielle de la v__,
qui se forme, s'informe et se déforme,
au fur et à mesure que ses fils se nouent,
se dénouent
et se renouent
en une danse lyrique
du regard sur la page?
Peut-être est-ce bien la configuration
spatiale de cette Place--
ses brisures asymétriques,
ses cassures plongeantes--
qui s'imprime
dans mon esprit et mon corps
par mes mains imitantes,
et lui imprime ses rythmes cassants
et ses contours brisés,
ses surfaces incomplètes
et ses volumes griffés,
ses trajectoires muettes
de sens et d'idée.
Car l'âme du Poète est celle d'un flâneur
immergé si profondément
dans les méandres du chronotope,
que ses pensées vagabondes
se perdent en étonnants détours
et en gestes futiles
dans l'abîme du Tout,
dans le vide du Temps.