Les mots tombent
Les mots tombent
comme les feuilles d'un après-midi d'automne.
Les mots tombent
comme la pluie froide et amère de novembre.
Les mots tombent
en idées nouvelles dans mon esprit blasé.
Et par ma voix brisée
les mots perdent leur saveur.
***
On parle trop des couleurs de l'automne.
Elles sont trop voyantes pour être sublimes.
Ce qui me frappe est plutôt l'odeur
de décomposition qui hante les chemins de l'Arve.
Ce qui m'attire est plutôt l'air humide
qui semble susurrer à ma peau des mots doux.
Ce qui m'envoute est l'accolade du temps,
qui dans tout mon être fait sentir le changement.
Et ce qui met fin à cette balade onirique
est l'odeur de combustible qui s'échappe des cheminées.
***
Les mots tombent
en automne
lorsque la lumière faiblit.
Les mots tombent
en automne
lorsque les arbres jaunissent.
Les mots tombent
en automne
lorsque la bise se lève.
Les mots tombent
en automne
et moi j'attends l'hiver.
***
La nuit tombe,
les jours avec,
et l'oeil de l'année se referme
sur les lumières d'automne.
Et l'hiver m'enlace,
et l'hiver m'embrasse,
et mes muscles raidissent,
et mes poumons faiblissent.
Je perds pieds et je glisse
sur une plaque de glace
qui a remplacé l'humus
décomposé des arbres.
Et dans un fracas assourdissant
l'année virevolte et puis se fend
et devient autre, et devient neuve,
et devient l'irréalisé destin d'une voix brisée.