Matière à penser
Si l'invisible ne s'offre pas à mon regard
et que l'intangible s'évapore d'entre mes doigts,
si le silence s'assoupit en vagues muettes
et que l'immobile se fige en stase incomplète,
alors comment puis-je trouver un sens,
une direction à la vie,
une emprise sur le réel,
une sensation d'immanence et de cohésion?
Ces pensées m'agitent!
Elles me plongent en moi-même
comme dans une chute libre
de l'imaginaire.
Je pense le corps et mon esprit s'active.
Il y a matière à penser
quand on pense à la matière.
Je ris en silence…
L'invisible maintenant se révèle
en une avalanche assourdissante
dont le vacarme insensé
se ressent dans ces propos préparés.
L'intangible se transforme
en une rectiligne avancée de mots transfigurés
par le mouvement de nos yeux
et de nos doigts minutieux.
Le silence m'apparait:
il est la lueur
chaude d'une bougie,
de mon esprit enguirlandé
qui se consume
ɑ̃
fragmɑ̃
de lexiqs kalcinés
Je trace avec mon index la majeure partie d'un anneau imagé:
je serre le poing, je saigne mon âme;
l'immobile se cristallise
en vapeur de sens qui écorche mes paumes.
Il y a matière à penser lorsque l'on pense la matière.
Je ressens ces essais comme une susurrante cécité
qui m'emporte tout au fond de la vallée de mes pensées.
Par le mouvement du visible et du tangible,
je romps le silence et ouvre une brèche
qui me brûle et m'écume et qui me rend sensible.
C'est dans ces moments de sensualité matérielle
que je découvre le sens de l'éternel.
Dans le silence du mot je trouve le vacarme du corps
et l'immanence de l'incommensurable s'impose à moi.