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Critical, creative and digital writingEcriture critique, créative et numérique

 ? 𝞪/A
03 05 2020  

Universel

Hier soir, je peinais à m'endormir. Les circonstances actuelles, liées au confinement et à la pandémie et à d'autres choses que je tairai, me tracassaient. Quand commence le vivant, et quand s'arrête-t-il? Quel est le point d'origine et d'extinction du vivant? Par définition, le vivant dénote ce qui est en train de vivre. Mais quand est-ce qu'on est en train de vivre? Est-ce qu'un homme privé de sa liberté, emprisonné, déshumanisé, privé de ses liens sociaux, privés de sources de savoir, est-ce qu'un homme dans cette situation vit? Ou bien en est-il cantonné à survivre. Une femme piégée d'un mariage forcé, violée chaque jour par les pensées et les actions de son geôlier, est-elle en train de vivre? Ou alors est-ce qu'elle subit la vie d'un autre? Etre vivant, ce n'est pas seulement respirer ou avoir un coeur qui bat, ce n'est pas seulement réagir ou penser à rien. Etre vivant, c'est être libre d'explorer son potentiel sans être entravé par les sangles du passé ou confiné par les murs du futur. Mais je digresse... Hier soir, lorsque je peinais à m'endormir, que mes pensées étaient à moitié formées, et que mon état de conscience s'apparentait à l'onirique, cette image me vint: le vivant est comme l'univers. Rien ne le précède et rien ne lui survit. Avant la formation de l'univers, il n'y a pas d'espace-temps, et donc pas d'avant ou d'après, pas de passé ni de futur, rien que le temps de la création. Quand commence l'univers? on se demande. Mais la question ne se pose même pas en ces termes car "quand" n'a de signification qu'après la création de l'univers. Avant celle-ci, "quand" est une aporie, un paradoxe, un angle mort sémantique. Le vivant est-il donc universel? On imagine souvent la vie humaine comme débutant par le mélange de gamètes mâles et femelles. A ce moment où les noyaux de ces cellules se confondent jaillirait la vie. Mais la vie n'est pas le vivant, et je n'ai donc pas répondu à ma question. Mon questionnement en amène cependant un autre: peut-être l'univers est de l'ordre de la vie? Peut-on imaginer que notre univers est le résultat du mélange de deux gamètes extracosmiques dont les noyaux se sont confondus en une immense explosion d'où le cosmos jaillit? Quelles seraient ces entités extracosmiques? Dans quelle mesure appartiendraient-elles à notre univers? Ces questions sont sans réponse. Je me perds dans mes pensées. Le vivant n'est pas l'univers. Mais peut-être que le vivant est universel, qu'il jaillit d'une explosion qui le dépasse et le précède sans qu'aucunement il puisse réellement s'identifier à elle voire même l'identifier en tant que telle. De cette impossibilité d'identifier ce qui le précède et le dépasse, le vivant n'en ressort que plus mystérieux et indéfinissable. C'est peut-être ça le vivant: la quête insensée de réponses à des questions impensables. C'est dans tous les cas comme ça que je l'aime le vivant: comme une tension sémantique qui me pousse à interroger, questionner, quémander une réponse de ce qui me dépasse et me précède, sans jamais attendre en retour autre chose que de nouvelles questions sur les sangles du passé et les murs du futur. Mais je digresse...