Mal de démocratie
J'ai mal à la démocratie,
et cette douleur n'est pas prête de s'estomper:
la voie des uns reste sans voix,
et celle des autres barbote dans le caniveau.
J'ai mal à la démocratie,
car la stupeur du mâle blanc a broyé l'espoir
de voir enfin les choses changer pour les laissés-pour-compte
de nos vieilles patriarchies.
J'ai mal à la démocratie,
et j'ai peur pour les réfugiés des dogmes
qui n'oseront même plus se réfugier
dans les pays de liberté.
J'ai mal à la démocratie,
parce que c'est l'idiotie sombre du plus grand nombre
qui l'emporte à chaque fois,
sans laisser de chance aux visions éclairées
des chercheurs de lumières et trouveurs de beauté.
J'ai mal à la démocratie,
et je sens que vous tous vous souffrez:
la douleur collective, la fureur primaire,
l'angoisse génocidaire de l'identité unique
sont autant de soldats qui affrontent
au corps-à-corps un ennemi qui n'en n'était jamais un
et qui par tolérance et horreur du conflit
ne peut désormais que se cacher derrière des mots
d'appaisement pendant que ses enfants,
sous les coups du plus fort,
pleurent en silence les larmes de la minorité.
J'ai mal à la démocratie,
car la tyrannie du démagogue s'est infiltrée
dans les sols tel du chlore,
et a tué les racines de notre forêt commune
pour mieux ériger son phallus immobile
dans le paysage de la cité.
J'ai mal à la démocratie,
et la douleur ne va pas s'estomper.